vendredi 6 avril 2018

Frédéric GOUT, Libérez Tombouctou ! Journal de guerre au Mali, Témoignage, Paris, Tallandier, 2015, 256 p,

En 2015, Tallandier proposait à travers ce livre le témoignage du colonel Gout, commandant le 5ème régiment d'hélicoptères de combat (RHC), qui constitue en 2013 le Groupement Aéromobile (GAM) de l'opération Serval, conseillé ici par le journaliste Jacques Duplessy.

Le colonel Gout est mobilisé pour participer à Serval alors que les djihadistes ont mortellement blessé le commandant Damien Boiteux, du 4ème régiment d'hélicoptères des forces spéciales (RHFS) qui opérait sur Gazelle. En un temps record, il faut préparer l'effectif, récupérer les hélicoptères engagés ailleurs (les Tigre notamment), solliciter le transport aérien stratégique, choisir les officiers... en 4 jours.

Arrivés à Bamako le 16 janvier 2013, les premiers éléments du GAM doivent plus ou moins se débrouiller quant à leur installation, alors que le colonel Gout doit s'occuper des visites officielles et autres problèmes logistiques. Par ailleurs le GAM est éclaté, les Tigre opérant au départ depuis Ouagadougou, ce qui impose des contraintes. Cinq jours plus tard, le GAM se déplace vers le nord-est, vers Sévaré, à côté de Mopti. L'adversaire est encore mal appréhendé car il reste assez évasif.

Le GAM participe à la reconquête de Tombouctou. Le colonel Gout a même l'occasion de visiter la maison de René Caillié, explorateur français installé dans la ville. La difficulté pour le GAM est que les différents axes de progression des troupes au sol nécessitent un appui aéromobile que, faute d'effectifs suffisants, le GAM ne peut pas forcément assumer. Le GAM continue de recevoir des visites officielles, comme celle du chef d'état-major des armées.

Le GAM se déplace ensuite vers l'est, et Gao. Le climat entraîne parfois une surchauffe du matériel, quand ce n'est pas un général qui trouve que les tenues portées par les mécaniciens sont trop décontractées... les premiers engagements ne surviennent qu'à partir du 9 février, quand le GAM engage une colonne de pick-up ayant franchi le Niger à l'ouest de Gao. La coopération interarmes est favorisée par le fait que les officiers chefs de corps se connaissent souvent pour avoir fait leur formation ensemble ; le colonel Gout collabore aussi avec l'armée de l'air et des Belges. L'officier ne cache pas les difficultés, par exemple avec son chef de la logistique dont il est obligé de se séparer, ou cet incident de tir pendant un nettoyage d'arme pendant lequel un soldat tire une rafale de cartouches. Le 14 février, un légionnaire français est tué dans l'Adrar des Ifoghas, où la résistance se durcit. Le GAM s'installe alors pour partie à Tessalit.

Le 20 février, un hélicoptère Tigre en patrouille est criblé de balles par des combattants bien camouflés à ras du sol qui font uniquement usage de fusils d'assaut. Les tactiques de vol sont donc modifiées en conséquence. Le GAM manque d'hélicoptères de transport pour effectuer des posers aéromobiles conséquents, toutefois il assure les évacuations sanitaires, y compris pour les partenaires comme les Tchadiens, qui subissent des pertes parfois conséquentes lors d'embuscades dans l'Adrar des Ifoghas. Les conditions climatiques sont éprouvantes. Les djihadistes commencent à utiliser des IED, mais aussi des mortiers, à côté des technicals. Les hélicoptères doivent intervenir pour neutraliser les positions fortifiées à l'entrée des grottes. Ils évacuent un prisonnier français capturé par leurs collègues fantassins. Le 3 mars, c'est le corps d'un soldat du 1er RCP qui est ramené. Un autre soldat français est tué le lendemain.

Le colonel doit gérer l'attribution des décorations, mais aussi les cas d'insolation qui frappent parfois ses hommes. Les opérations continuent dans l'Adrar des Ifoghas. Le 16 mars, un AMX-10 du 1er RIMa saute sur un IED : un tué, 3 brûlés graves. L'aéroport de Gao est bombardé à la roquette. Le GAM transfère encore des prisonniers, parfois étrangers, venus du Maghreb. Avant de quitter le théâtre et de partir avec ses hommes en sas de "décompression" à Chypre, le colonel Gout reçoit une mitrailleuse PKM prise à l'ennemi du commandant du 92ème RI, qui dirige le Groupement Tactique Inter Armes 2 au Mali.

Le départ se fait sur fond de crash d'un hélicoptère Mi-24 de l'armée malienne. A Chypre, les soldats peuvent souffler, même si l'accueil n'est parfois pas à la hauteur, les responsables donnant parfois un peu trop de zèle pour que les soldats engagés au Mali soient le moins "visibles" possible dans l'île... après le débriefing psychologique, l'unité regagne la France le 17 avril. Le colonel Gout quitte le commandement du 5ème RHC en juillet 2013 pour assurer d'autres fonctions.

L'intérêt du témoignage est probablement d'offrir le point de vue d'un officier chef de corps, qui ne s'intéresse pas forcément à la description des combats, mais à son rôle de chef d'unité et aux différentes exigences que celui-ci impose. Le récit permet donc de prendre un peu de hauteur et de mieux comprendre aussi pourquoi les hélicoptères sont un outil indispensable sur ce genre de théâtre et pour ce type d'opérations.


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