Auteur : Tony Le Tissier (né en 1932) est un auteur britannique, qui s'intéresse particulièrement aux derniers mois de la Seconde Guerre mondiale sur le front de l'est. Lieutenant-colonel dans l'armée britannique, il a été le dernier gouverneur militaire de la prison de Spandau, où ont été enfermés des criminels de guerre nazis tels Rudolf Hess ou Albert Speer. Il a ensuite résidé à Berlin où il a entamé des recherches pour l'écriture de ses ouvrages.
Edition : le livre est édité chez Stackpole Books, une maison d'édition née en 1930 aux Etats-Unis, en Pennsylvanie. La compagnie d'origine a fusionné en 1959 avec une autre branche qui publiait des documents militaires. Elle a commencé à publier des livres d'histoire tels que ceux-ci dans les années 1950, notamment sur la guerre de Sécession. La qualité des ouvrages publiés dépend souvent des auteurs, cela peut être assez inégal.
Analyse : Dans la très courte introduction (moins d'une page), l'auteur explique qu'il a puisé pour son livre dans 2 recueils allemands de témoignages de survivants du siège, et qu'il a consulté le musée de Seelow. Le livre prend donc la forme d'une compilation d'extraits de témoignages mis en contexte par des passages tirés de sources secondaires. A la lecture, c'est parfois un peu long, même si les témoignages sont très vivants.
Le Tissier fait l'historique de la forteresse de Küstrin, surtout développée aux XVIIIème siècle par Frédéric II, renforcée au XIXème siècle. La vieille ville (Altstadt) est construite sur une péninsule au confluent de la Warthe et de l'Oder. La ville nouvelle (Neustadt) se développe avec le chemin de fer à l'est de l'Oder dans la seconde moitié du XIXème siècle. Les nazis rebaptisent comme partout ailleurs les rues ou certains lieux publics. A partir de 1939, la ville est protégée par des unités de Flak, et n'est touchée que 2 fois par des bombes suite à des raids sur Berlin. L'aviation anglo-américaine ne prend pas la ville pour cible, et la Flak de Küstrin n'est pas très entraînée. A partir du 20 janvier 1945, après le déclenchement de l'offensive Vistule-Oder par les Soviétiques, les premiers trains de réfugiés arrivent dans la localité. La Volkssturm locale est mobilisée le 24 janvier. Il y a au château de Küstrin des officiers accusés d'avoir participé au complot du 20 juillet 1944. Le Stalag IIIC a déjà été vidé de ses prisonniers qui doivent parfois traverser l'Oder gelé.
Küstrin est déclarée "forteresse" le 25 janvier. La défense est dirigée par le général Raegener, qui dispose de peu d'effectifs à part les miliciens locaux et des membres de bataillons de remplacement stationnés dans la ville. Des tourelles de chars Panther arrivent pour être positionnées tant bien que mal sur des bunkers. Les 21. Panzer Division et 25. Panzergrenadier Division sont retirées du front de l'ouest pour venir défendre le secteur. Les nazis créent aussi la Panzer Division Müncheberg, du nom d'une localité de la région, pour gonfler la résistance.
Le front allemand s'étant désintégré sous la poussée soviétique, la 219ème brigade blindée de la 2ème armée de chars de la Garde parvient à faire pénétrer 15 à 20 chars dans Neustadt, la partie de Küstrin sur la rive est de l'Oder, le 31 janvier 1945, le jour même où le flot de réfugiés traversant la ville s'était arrêté. Le raid surprend les premiers éléments de la 25. Panzergrenadier Division tout juste arrivés en gare. Les chars soviétiques sont stoppés en catastrophe à coups de Panzerfaüste et les survivants se replient - l'unité soviétique était manifestement équipée de chars du Lend-Lease, puisque les Allemands témoignant parlent de Sherman et d'un Valentine III. Les Soviétiques constituent des têtes de pont sur l'Oder au nord et au sud de Küstrin, ce qui expose rapidement la ville à être encerclée, les Allemands n'arrivant pas à les réduire avec des contre-attaques engageant des effectifs trop faibles.
Küstrin se retrouve assiégée avec 8 à 10 000 civils pris au piège. Les Soviétiques, après l'échec du raid "coup de sonde", ne peuvent pas concentrer au départ suffisamment de moyens pour l'emporter : des unités de la 8ème armée de la Garde de Tchouikov termine le siège de Poznan, et l'offensive contre la Poméranie se développe pour protéger le flanc droit de la pénétration soviétique jusqu'à l'Oder. Le commandant de la garnison de Küstrin est remplacé par le général SS Reinefarth, tristement célèbre pour ses exactions dans la répression du soulèvement de Varsovie en 1944, mais qui s'avèrera un piètre commandant militaire, nommant un colonel inexpérimenté de la Feldgendarmerie pour défendre la rive est. Alors que les premiers obus tombent sur la ville, la 8ème armée de la Garde pousse à partir de la tête de pont au sud de Küstrin pour faire la jonction avec celle du nord, sur la rive ouest de l'Oder. Le 3 février, la Luftwaffe intervient en masse pour freiner l'avance soviétique. Le 5 février, Küstrin voit son dernier accès terrestre vers l'ouest coupé par l'Armée Rouge. Le parti nazi lance un journal local, tandis que les pelotons d'exécution passent par les armes 14 Ostarbeiter accusés de pillage - de nombreux soldats allemands seront pendus pendant le siège pour la même raison ou sur l'accusation d'avoir déserté. Reinefarth dispose de 8 à 9000 hommes, un ensemble hétéroclite comprenant même des bataillons turkmènes ou du Nord-Caucase, des Hongrois et surtout des unités de Flak. Il divise la défense en deux secteurs : Altstadt et la rive ouest sont dirigés par le major Wegner, un vétéran de l'infanterie, Neustadt par Walther, le colonel sans expérience de la Feldgendarmerie. La 21. Panzer Division parvient à ouvrir un corridor à l'ouest en direction de Küstrin, relevée ensuite par la 25. Panzergrenadier Division. Ce corridor permet d'évacuer une partie de la population civile et d'obtenir du ravitaillement pour soutenir le siège. Les Soviétiques bombardent Küstrin avec leur artillerie puis leur aviation. Une guerre de positions s'installe, qui n'est pas sans rappeler la guerre des tranchées : les Soviétiques font bon usage de leurs tireurs d'élite, et cherchent à s'approcher au plus près des positions adverses, en creusant.
A partir du 19 février, les autorités accélèrent l'évacuation des civils, alors que l'artillerie soviétique bizarrement ne profite pas de la situation pour cause des pertes aux Allemands. Des soldats sont encore pendus pour des pillages. Körner, le responsable local du parti, organise l'évacuation mais 500 à 600 civils seront encore dans Neustadt quand les Soviétiques s'en empareront. La chute de Poznan libère des formations soviétiques de la 8ème armée de la Garde, ce qui va accélérer le cours des événements. Pour maintenir le moral de la garnison, le parti ouvre un cinéma de campagne pour les défenseurs. Les Soviétiques maintiennent la pression par des tirs d'artillerie et les raids nocturnes des Po-2. L'assaut sur Neustadt, préparé de longue date, débute le 7 mars. L'aviation soviétique engage plus d'une centaine de bombardiers en plus de l'artillerie. Les sapeurs font sauter les ponts sur la Warthe pour empêcher l'Armée Rouge de traverser. La 5ème armée de choc met 4 jours à venir à bout de la résistance des 3/5ème de la garnison : 3 000 soldats allemands sont morts, plus de 2 700 ont été capturés. Le général Berzarin annonce la prise de Küstrin, mais il ne s'agit en réalité que la partie sur la rive orientale de l'Oder... la 8ème armée de la Garde pousse par le sud sur la rive ouest tandis que la 5ème armée de choc prend à sa charge l'assaut sur l'Altstadt. Les Soviétiques procèdent ainsi à un double enveloppement : un anneau intérieur enserre les défenseurs de Küstrin, tandis qu'un anneau extérieur garde contre les tentatives de contre-attaque depuis l'ouest, comme à Stalingrad. Les tentatives de dégagement menées par la 25. Panzergrenadier Division et la Panzer Division Müncheberg ne débouchent pas, de même que la contre-offensive plus importante menée fin mars sous l'autorité du général Heinrici, nouveau commandant du groupe d'armées Vistule. A ce moment-là, les Soviétiques tirent plus de 1 000 obus par heure sur la ville assiégée. L'attaque finale débute le 29 mars. Les restes de la Volkssturm mettent bas les armes tandis que Reinefarth dirige une tentative de percée vers l'ouest, alors même qu'Hitler a donné l'ordre de se battre jusqu'au dernier homme après que le commandant de la place ait demandé l'autorisation de tenter une sortie. Près d'un millier d'hommes parviennent à gagner les lignes de la 9. Armee à travers les positions soviétiques, parfois victimes aussi du feu de leurs camarades qui n'ont pas été prévenus de la percée. Les survivants combattront sur les hauteurs de Seelow au moment de l'offensive de l'Armée Rouge sur Berlin. Küstrin est prise le 31 mars. Reinefarth ne sera pas inquiété ni par les nazis, ni par la justice alliée. Relâché en 1948, il meurt tranquillement sur l'île de Sylt en 1979. Les Soviétiques auraient perdu 5 000 morts et 15 000 blessés dans le siège de Küstrin. Les ponts de chemin de fer de Küstrin sur l'Oder seront détruits par la Luftwaffe et ses Mistel en avril, au moment de l'offensive soviétique sur Berlin.
Illustrations/cartes : 11 cartes illustrent le texte. La première montre le siège de la ville par les Russes en 1758 et n'a pas grande utilité. Les suivantes permettent de se situer quelque peu mais il manque des cartes de position du front et les principaux repères généraux de l'ensemble de Küstrin (les cartes n'en montrent que des parties). Au milieu de l'ouvrage se trouvent 8 pages de photos avec un commentaire minimum.
Conclusion : un ouvrage monocorde, n'offrant que le point de vue allemand de la bataille, hormis l'utilisation des principaux mémoires de généraux/maréchaux soviétiques ayant participé aux opérations. Il a pour lui d'être le seul en anglais sur le sujet ; il me reste à lire quelques ouvrages en allemand (ils existent) pour voir s'ils font mieux. En annexe l'auteur a fournir la composition sommaire de la garnison au 22 février 1945, le rapport de Reinefarth après sa percée et celui du Kreisleiter Körner.