" Historicoblog (4): Article : Christian Ganzer (2014) German and Soviet Losses as an Indicator of the Length and Intensity of the Battle for the Brest Fortress (1941), The Journal of Slavic Military Studies, 27:3, 449-466

mercredi 3 novembre 2021

Article : Christian Ganzer (2014) German and Soviet Losses as an Indicator of the Length and Intensity of the Battle for the Brest Fortress (1941), The Journal of Slavic Military Studies, 27:3, 449-466

 

 

Des soldats allemands à la porte de Terespol dans la forteresse de Brest-Litovsk.

https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13518046.2014.932632 


Auteur : Christian Ganzer. Aujourd'hui chercheur rattaché à l'université de Leipzig, en Allemagne, il a travaillé de 2009 à 2014 à l'université Dragomanov de Kiev, en Ukraine. Sa thèse porte sur Brest-Litovsk, à savoir les combats de juin-juillet 1941 et l'endroit comme lieu de mémoire à partir des commémorations et de l'écriture de l'histoire en URSS de cette bataille devenue mythique à partir de l'ère Khrouchtchev. Ganzer a coécrit un ouvrage sur les musées est-européens de la Seconde Guerre mondiale et son travail de thèse a été publié en allemand en 2020.

Edition : l'article a été publié dans le Journal of Slavic Military Studies. Ce journal scientifique a été créé par le fameux David Glantz en 1988 sous le nom de Journal of Soviet Military Studies, et il a pris son nom actuel en 1993. Le rédacteur en chef actuel est Martijn Lak. Ce journal est incontournable pour toutes les personnes intéressées par le front de l'est pendant la Seconde Guerre mondiale, entre autres sujets traités : ses articles permettent souvent de voir l'état de la recherche sur la dimension militaire du conflit. Certains auteurs français parfois peu scrupuleux plagient malheureusement beaucoup ces articles sans les citer correctement, faisant croire qu'ils apportent ainsi des analyses "nouvelles" alors qu'ils ne font que reprendre les acquis de la recherche étrangère.

Analyse : Brest est l'un des sites mémoriels les plus importants de l'ex-URSS, avec l'ancienne Stalingrad. La Biélorussie, où se situe Brest aujourd'hui, a hérité de la mémoire soviétique : la résistance héroïque des défenseurs pendant 32 jours, du 22 juin au 23 juillet, nourrie des récits des rares survivants, prisonniers des Allemands ou ayant rejoint les lignes soviétiques. Côté allemand, la source la plus fiable sur les combats est le rapport du commandant de la 45. Infanterie Division, la principale unité impliquée dans la bataille, qui reconnaît 453 tués, 668 blessés et 7 223 Soviétiques capturés. Les Soviétiques crient au scandale, indiquant que le nombre de pertes allemandes est sous-estimé et celui des leurs surestimé. Les ouvrages russes récents, comme celui de Rotislav Aliev, un des seuls sur le sujet, souffrent d'une méthode non professionnelle qui en limite la portée. Ganzer s'attache surtout à revoir certains points de la bataille. Le nombre des pertes soviétiques est pour ainsi dire inconnu : le rapport journalier de la 45. I.D. précise que 2 000 corps adverses ont été trouvés sur les lieux au soir du 28 juin, le 29 juin marquant pour les Allemands la fin de la bataille. Pour les pertes allemandes, l'auteur est allé voir le texte du prêtre de la 45. I.D., qui liste 475 tués, mais présente quelques problèmes (morts non situés ou non datés). Il a recoupé ce document avec les extraits de la presse allemande locale, qui eux aussi demeurent incomplets. Le 22 juin, 314 soldats allemands sont tués, dont 30 dans la ville de Brest et ses alentours, et 10 par l'artillerie allemande... Le 23 juin, les pertes tombent à 35 tués. Elles remontent à 56 tués le 24 juin qui est le dernier jour de combats impliquant fortement l'infanterie. Il y a encore 21 morts le 25 juin et  7 le 26 juin. Le dernier soldat allemand est tué le 27 juin, d'autres succombant dans les hôpitaux. Le document du prêtre ne mentionne pas le lieu de mort de 13 soldats supplémentaires. Le rapport du commandant de la 45. I.D. semble a priori correct selon Ganzer sur les blessés. Les sources sont beaucoup plus ténues du côté soviétique. Un rapport du 53ème corps d'armée évoque 3 062 prisonniers pour les 24-27 juin et 940 de plus pour la période du 27 au 30 juin. En croisant les sources, Ganzer calcule que les Soviétiques ont laissé entre 6 713 et 7 779 prisonniers entre les mains des Allemands : le rapport du commandant de la 45 I.D. est bien dans cette fourchette. La plupart des 9 000 combattants soviétiques ont été faits prisonniers, donc. 10 commissaires politiques capturés ont été fusillés par les Allemands, dont Emin Fomin, fait prisonnier et exécuté le 26 juin. La 45. I.D. avait pris connaissance de "l'ordre des commissaires" dès le 19 juin, trois jours avant l'attaque, et ce jusqu'à la troupe comme le montrent les témoignages de soldats : on voit qu'il a été mis en oeuvre sans état d'âme. Ganzer pointe ainsi que les 3 premiers jours de combat ont été les plus meurtriers, et que les combats s'arrêtent au 29 juin. Le 2 juillet, le gros de la 45. I.D. quitte les lieux. Un bataillon du 130. I.R. reste avec un bataillon de réserve, et le 5 juillet ils sont remplacés par une unité territoriale. Un seul incident a lieu le 23 juillet quand une unité de nettoyage du site est attaquée : un officier soviétique est capturé, 6 Allemands sont blessés.

Conclusion : un article qui remet les pendules à l'heure sur le "mythe" de la défense soviétique de Brest-Litovsk, et qui pose la question intéressante de la fiabilité des sources allemandes tels que les rapports d'unités, en les comparant aux sources soviétiques du même ordre, et qui prouve que l'on peut tirer des faits solides de ce type de document, s'ils sont critiqués. 

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