dimanche 24 avril 2022

La 810ème brigade indépendante de fusiliers marins (BIFM) de l'armée russe

La 810ème brigade indépendante de fusiliers marins (en russe : 810-я отдельная гвардейская бригада морской пехоты, ou 810 обрмп en abrégé) est l'une des unités phares de l'infanterie navale russe. Née dans les années 1960, basée en mer Noire, en Crimée, à Sébastopol, elle a joué un rôle clé, de par sa localisation, dans l'annexion de la péninsule en 2014. C'est également l'une des premières unités à être déployée lors de l'intervention russe en Syrie à l'été 2015. Ces deux interventions ont pu laisser croire que la 810ème brigade faisait partie d'une « élite » de l'armée russe. La guerre en Ukraine déclenchée par la Russie le 24 février montre, en fait, que la 810ème brigade est parfois mal armée pour la guerre conventionnelle dans laquelle on l'a engagée, et aussi pour le combat urbain dans lequel elle se retrouve enferrée à Marioupol depuis le mois de mars.

 

Emblème de la 810ème BIFM, avec l'ancre jaune des fusiliers marins sur fond noir liseré de rouge, et le griffon.

 



1) Histoire de la 810ème BFIM



La 810ème brigade indépendante de fusiliers marins (810ème BIFM) est l'héritière de la reconstruction de la branche de l'infanterie de marine par l'URSS. L'infanterie de marine n'est pas considérée comme une force d'élite dans l'armée soviétique : elle n'a pas un recrutement particulier ni un entraînement spécifique, mais elle jouit pourtant d'une réputation équivalente à celle des Marines américains ou des Royal Marines britanniques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'infanterie de marine soviétique exécute des opérations amphibies, notamment en mer Noire, qui sont planifiées par l'armée de terre, sans rôle particulier, et qui se terminent souvent d'ailleurs en désastres. La qualité de l'infanterie de marine au moment de l'invasion allemande était telle qu'il a fallu d'ailleurs affecter des officiers expérimentés à cette branche pour en obtenir davantage d'efficacité : par exemple Vasiliy Margelov, qui commandera les forces aéroportées soviétiques (VDV) après la Seconde Guerre mondiale. L'infanterie de marine est démantelée dans les années 1950 et ne subistent que quelques bataillons affectés à la défense côtière. Avec l'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev, l'amiral Gorshkov reconstitue l'infanterie de marine et lui redonne son rôle offensif de débarquement, avec pour mission de s'emparer de têtes de pont devant être exploitées par l'armée de terre. Une école pour les officiers de l'infanterie navale est ouverte à Vyborg.

 

2 fusiliers marins soviétiques avec des fusils Mosin Nagant 1891/1910 en version sniper, dans une tranchée du front de Léningrad, 1942.

 

En 1963, une première unité est reformée à partir d'un régiment de fusiliers motorisés : le 336ème régiment de fusiliers marins de la flotte de la mer Baltique, basé dans l'enclave de Kaliningrad. En 1966, le 1er bataillon de ce régiment ainsi que le 135ème régiment de fusiliers motorisés du district militaire de Transcaucasie sont employés pour former le 309ème bataillon indépendant de fusiliers marins de la flotte de la mer Noire. En 1967, le 810ème régiment indépendant de fusiliers marins est formé, avant de devenir une brigade en 1979. Celle-ci comprend alors 3 bataillons d'infanterie, 1 bataillon d'artillerie, 1 bataillon antichar, 1 bataillon de missiles sol-air, 1 bataillon d'artillerie antiaérienne et 1 bataillon de chars, soit 2 000 hommes. Gorshkov profite de l'arrivée au pouvoir de Brejnev pour développer le concept de force de projection navale, afin de contrebalancer celle des Etats-Unis. Cependant, l'infanterie navale est loin d'avoir le poids des Marines dans les forces armées américaines.

 

Unité commando de la 55ème division d'infanterie navale de la flotte du Pacifique, 1971.

 

Dès 1967, le 309ème bataillon indépendant avait été déployé à Port-Saïd en Egypte, au moment de la guerre des Six Jours, pour appuyer Nasser en cas de victoire israëlienne trop écrasante. Le 810ème régiment participe à la protection des installations pétrolières du canal de Suez et à des exercices avec les marines égyptienne et syrienne. En juin 1983, la 810ème brigade effectue un saut aéroporté de nuit lors d'un exercice massif de débarquement dans la mer Noire. L'infanterie navale soviétique n'a pas les moyens de mener des opérations amphibie complexes seules : contrairement aux Marines américains, elle ne dispose de véhicules amphibie spécialisés, mais est équipée avec des matériels de l'armée de terre. En outre la composante aéroportée est longtemps basée sur les parachutistes et l'adoption des hélicoptères ne se réalise que dans la décennie précédant la chute de l'URSS, et avec des moyens moindres que chez les Marines. Aujourd'hui encore les fusiliers marins ont peu de moyens héliportés.

 

Fusiliers marins soviétiques armés de fusils d'assaut AK-74. On reconnaît l'emblème avec l'ancre sur la manche gauche.

 

Après la chute de l'URSS, la 810ème brigade perd son 882ème bataillon indépendant d'assaut aérien, qui devient le 382ème bataillon de fusiliers marins en 1995. En 1992, la brigade est engagée en Abkhazie quand cette province voit des combats entre séparatistes abkhazes et armée géorgienne. En 1998, la brigade redevient un simple régiment. La compagnie de reconnaissance et d'assaut aérien participe à la seconde guerre en Tchétchénie en 1999-2000 où elle perd 8 tués.


Le 810ème régiment ne redevient brigade qu'en 2008. Juste avant cette réforme, le régiment avait pris part à la guerre en Géorgie où il était intervenu en Abkhazie. Le régiment mène notamment une opération pour s'emparer de Poti, avec la 7ème division d'assaut aérien. La brigade participe à l'annexion de la Crimée en 2014 où elle joue un rôle clé de par sa présence historique dans la péninsule, dès les 27-28 février. D'ailleurs, le président ukrainien Yanoukovich s'enfuie en Russie depuis une base de la 810ème BIFM. Le 24 mars, des membres du commandement des opérations spéciales russes s'emparent de la base du 1er bataillon de fusiliers marins à Féodosia montés sur des BTR-82A de la 810ème BIFM. Selon le site Informnapalm, des soldats de la 810ème BIFM participent également à la guerre au Donbas et combattent déjà, comme en 2022, non loin de Marioupol.

 

Sniper de l'infanterie de marine en Crimée, 2014. Revêtu du nouveau kit Ratnik avec lunettes et masque facial, casque ShBM, gilet pare-balles 6B43, radio tactique 168-0,5UME. Il est armé d'un fusil de précision SV-98. Source : Mark Galeotti, The Modern Russian Army 1992-2016, Elite 217, Osprey, p.53.

 

La 810ème BIFM participe à l'intervention russe en Syrie dès ses débuts à l'été 2015. Le 23 août 2015, les Forces Nationales de Défense syriennes diffusent une vidéo où l'on peut voir un BTR-82A au combat au nord-est de Lattaquié, avec un équipage indiscutablement russe, qui appartient très probablement à la brigade. 200 fusiliers marins de la brigade sont rapidement dépoyés à Lattaquié. Les fusiliers marins protègent notamment la base aérienne de Hmeimin développée par les Russes comme le cœur de leur intevention en Syrie. La 810ème BIFM est engagée dès la fin du mois de septembre 2015 pour aider les forces du régime syrien à lever le siège de la base aérienne de Kweires dans l'est de la province d'Alep face à l'Etat islamique. En octobre, certains fusiliers marins de la brigade sont installés à Hama. Le 24 novembre 2015, Alexander Mikhailovich, un soldat de la 810ème BIFM qui avait servi précédemment 10 ans dans la 22ème brigade Spetsnaz du GRU, est tué pendant l'opération de sauvetage de l'équipage du Su-24M russe abattu par la Turquie au-dessus de la province de Lattaquié. Le 28 décembre 2015, 186 fusiliers marins de la brigade ayant servi en Syrie sont de retour en Russie. Le 18 avril 2017, le major Sergey Valentinovich Bordov est tué dans la province de Hama.| Il était le chef d'état-major adjoint du 542ème bataillon et en était à son deuxième tour d'opérations en Syrie, en tant que conseiller auprès des forces de Bachar al-Assad. Il est presque certain que Bordov ait été tué par un tir de missile TOW d'un groupe rebelle syrien qui a été filmé.

 

La fameuse vidéo des Forces Nationales de Défense syriennes, diffusée le 23 août 2015, qui montre un BTR-82A sur le front au nord-est de Lattaquié, avec un équipage parlant en russe dans les transmissions radio.


 

Alexander Mihailovich, soldat de la 810ème brigade, a été tué pendant l'opération recherche et sauvetage du pilote de Su-24M russe abattu par la Turquie le 24 novembre 2015.

 

 

Le major Bordov, tué en avril 2017 dans la province de Hama.

 


Le missile TOW qui a probablement tué le major Bordov, tiré par les rebelles syriens le 18 avril 2017 sur une position du régime dans la province de Hama.

 

Fusiliers marins de la 810ème BIFM en Syrie.

 



2) Organisation et matériels de la 810ème BIFM



La 810ème BIFM (numéro d'unité militaire : 13140) est basée à Sébastopol en Crimée. En 2000, quand elle était redevenue régiment, elle comprenait 1 000 hommes et l'équipement suivant : 46 BTR-80, 51 BMP-2, 1 BPM-1K, 18 2S1 Gvozdika, 6 2S9 Nona, 28 MT-LBT, 1 PRP-3, 4 PRP-4, 2 PU-12, 2 1V19, 2 BREM-2, 2 MT-55A et 1 MTU-20.

 

Juillet 2020. Cet automoteur d'artillerie 2S1 Gvozdika (122 mm) qui descend d'un LST durant un exercice porte lui aussi le symbole du losange sur la tourelle, à côté du numéro tactique.

 

Elle a reçu la distinction d'unité de la Garde en janvier 2018. En 2019, des véhicules blindés BTR-82A sont venus encore remplacer les vieillissants BTR-80 toujours en service. La brigade était commandée depuis 2021 par le colonel Alexei Sharov (tué au combat à Marioupol le 22 mars). Sharov était sorti diplômé de l'institut militaire d'Extrême-Orient en 2002. Il avait commandé une section de reconnaissance de la 810ème BIFM, puis une compagnie d'assaut aérien, avant de devenir commandant adjoint du bataillon en 2013. En 2015, il prend la tête d'un bataillon de fusiliers motorisés d'une brigade de défense côtière de la flotte de la mer Noire, puis devient commandant adjoint de la brigade au sein du 22ème corps d'armée en 2018. Il participe à l'intervention en Syrie. Il avait commandé un régiment de fusiliers motorisés d'une division de la 58ème armée avant de prendre la tête de la 810ème BIFM.

 

Le colonel Sharov, commandant de la 810ème BIFM, durant une cérémonie publique en novembre 2021. Sharov commandait la brigade depuis 2021.

 

Même manifestation. Le BTR-82A porte sur le flanc droit le symbole du losange à côté de son numéro tactique.

 


La 810ème BIFM comprend notamment :


  • 542ème bataillon indépendant d'assaut aérien

  • 557ème bataillon indépendant de fusiliers marins

  • 382ème bataillon indépendant de fusiliers marins (basé à Temryuk

  • 547ème bataillon indépendant de missiles sol-air.

  • 538ème bataillon logistique.


En 2016, sa composition comprenait : la structure de commandant, 2 bataillons de fusiliers marins, 1 bataillon d'assaut aérien, 1 bataillon de reconnaissance, 1 bataillon d'artillerie automotrice, 1 bataillon d'artillerie antiaérienne et de missiles sol-air, 1 bataillon logistique, 1 batterie de missiles, 1 compagnie de snipers, 1 compagnie de lance-flammes, 1 compagnie de sapeurs aéroportés, 1 compagnie de transmissions, 1 compagnie médicale, 1 compagnie de génie lourd, 1 compagnie de lutte NBC, 1 batterie de missiles antichars.


Au mois de juillet 2020, lors d'un exercice en Crimée, la 810ème BIFM utilise des BTR-82A et des automoteurs d'artillerie 2S1 Gvozdika (122 mm) sur le LST Novocherkassk. En juillet 2021, un bataillon de la 810ème BIFM est rééquipé avec les nouveaux véhicules blindés BMP-3F.



3) Le déploiement de la 810ème BIFM vers la frontière ukrainienne



De par sa localisation en Crimée, la 810ème BIFM est d'ores et déjà bien placée pour une manœuvre terrestre contre l'Ukraine, et se trouve facilement disponible pour des opérations amphibie le long de la côte sud du pays.


En avril 2021, la 810ème BIFM réalise un exercice sur le terrain d'entraînement d'Opuk en Crimée, impliquant des BTR-82A, des Mi-8AMTSh, des lance-missiles antichars Fagot, des Ka-27PS, des drones Takhion. Une vidéo filme 39 BTR-82A du 880ème bataillon de fusiliers marins de la brigade acheminés par train vers le nord de la Crimée.

 

Fusilier marin installant un lance-missiles antichars Fagot pendant l'exercice.

 


En juin 2021, une vidéo renseigne le déplacement d'une colonne de la 810ème BIFM dans le nord de la Crimée, qui comprend notamment des BTR-82A.

 

Colonne de BTR-82A de la brigade en déplacement au nord de la Crimée, juin 2021. On remarque le petit losange à côté du numéro tactique, sur le flanc gauche, qui est le symbole de la brigade.

 


En novembre 2021, une colonne de BTR-82A de la 810ème BIFM est filmée en déplacement au nord-est de Simféropol en Crimée.

 

Le losange est bien visible sur le flanc gauche de ce BTR-82A, à côté du numéro tactique du véhicule.

 


Le 7 décembre 2021, les LST Novocherkassk et Tsar Kunikov embarquent des éléments de la 810ème BIFM pour un exercice d'entraînement.


Le 7 février 2022, la 810ème BIFM s'entraîne à un exercice de débarquement dans une baie de Sébastopol, à partir des LST Orsk et Novocherkassk. 200 hommes et 40 véhicules sont impliqués, notamment des BTR-82A.



4) L'invasion de l'Ukraine



Le 24 février, la 810ème BIFM participe à la capture de l'île aux Serpents en mer Noire, épisode devenu célèbre avec la réponse de la garnison ukrainienne aux demandes russes de reddition. La force de la 810ème BIFM chargée de l'assaut aurait compté des conscrits et pas seulement des soldats professionnels (contractuels).


Après un débarquement de faible ampleur réalisé près de Kherson, il y aurait eu des cas de refus d'obéissance au sein de la 810ème BIFM, mais selon des sources ukrainiennes non confirmées par d'autres sources pour le moment.


Des documents capturés par les Ukrainiens début mars sur la 810ème BIFM prouvent que l'invasion de l'Ukraine était planifiée dès le mois de janvier 2022 : la brigade s'entraînait à un assaut sur Melitopol, et l'armée russe prévoyait une campagne de 15 jours seulement pour faire tomber l'Ukraine.

 

15 mars. Une colonne russe près de Marioupol. Sous le Z de ce mortier automoteur 2S9 Nona, on devine le losange de la brigade à côté du numéro tactique.

 

Ce BTR-82A de la même colonne porte sur le flanc avant gauche la rune Odal, symbole pendant la Seconde Guerre mondiale notamment de la 7ème division de montagne de la Waffen-SS Prinz Eugen...

 

18 mars. Un BMP-3 dans Marioupol. On distingue à peine le losange de la 810ème brigade à côté du numéro tactique.

 

 

La 810ème BIFM fonce rapidement vers l'est sur Tokmak et le port de Berdyansk pour boucler l'encerclement de Marioupol par l'ouest. Elle est ensuite engagée pour s'emparer de la ville de Marioupol elle-même, où elle combat encore actuellement. Par ailleurs, le 4 mars, le président Poutine décore le colonel Alexei Bernhard, commandant adjoint de la 810ème BIFM, du titre de Héros de Russie, pour sa contribution à la rupture des défenses ukrainiennes à Volnovakha au Donbas, ce qui laisse penser que des éléments de la brigade y ont été engagés.

 

Le colonel Bernhard, commandant adjoint de la 810ème brigade, a été décoré du titre de Héros de la Russie par Poutine.

 

 

Carte de situation à Marioupol au 28 mars. On voit que la 810ème brigade est engagée dans les quartiers nord.

 

 

28 mars : fusiliers marins dans Marioupol, on note l'ancre de Marine sur l'épaule droite.

 

28 mars : ce BTR-82A dans Marioupol porte le symbole tactique de la 810ème brigade.

 

 

1er avril : fusilier marin au combat dans Marioupol. On note le RPG monocoup en plus du fusil d'assaut, pour le combat urbain.

 

5 avril : fusiliers marins au combat dans Marioupol. On note l'ancre de marine sur le sac à dos.

 
8 avril. Un BTR-82A dans Marioupol. A côté du numéro tactique, on reconnaît le losange de la 810ème brigade.

Carte de situation au 23 avril. La 810ème brigade est maintenant déployée à l'ouest. Entretemps le 177ème régiment de fusiliers marins de la mer Caspienne a été lui aussi engagé à Marioupol, et depuis cette semaine nous voyons aussi des images de chars T-80BV et de BMP-3 d'une brigade de la flotte du Pacifique (40ème ou plus probablement 155ème).


Le 15 mars, les Ukrainiens diffusent la vidéo de l'interrogatoire du sergent Izmailov, capturé à Marioupol, qui affirme que la 810ème BIFM a compté des soldats refusant d'obéir aux ordres.


Au 19 avril, selon l'armée ukrainienne, la 810ème BIFM aurait déjà perdu 158 tués, 500 blessés et 70 disparus.

 

Au 1er plan, un véhicule de direction de tir pour l'artillerie 1V119 Rheostat, frappé du losange, insigne de la 810ème BIFM. Au fond un BTR-82A.

 



  1. Les pertes humaines subies en Ukraine



A partir du compte Twitter Rob Lee, voici la liste des membres de la 810ème BIFM qui ont été tués et dont la mort a été annoncée en Russie, ce qui ne représente qu'une fraction du total réel selon toute certitude (à ce total on peut rajouter quelques tués qui appartenaient probablement aussi à la brigade) :


  1. Senior Sergeant Alexander Pirozhkov, chef d'escouade dans le bataillon d'assaut aérien.

     




  2. Dmitry Belousov, du bataillon de reconnaissance.

  3. Viktor Shpykhov.

  4. Senior Sergeant Yevgeny Yegorov.

  5. Senior Sergeant Kirill Vazhenin.

  6. Colonel Aleksey Sharov.

  7. Sergent Nikolai Efimov.

  8. Senior Sergeant Roman Tazin.

     



  9. Vladimir Krivopalov.

  10. Aleksey Onopchenko.

     


     
  11. Sergent Yevgeny Petchenko.

  12. Yegor Borovoy, 382ème bataillon.

  13. Senior Lieutenant Ivan Kononov, 382ème bataillon.

  14. Senior Sergeant Sergei Purakhin, commandant d'une section d'artillerie de reconnaissance.

  15. Sergent Amen Murzagulov.

  16. Caporal Sergei Bondarenko.

     


     
  17. Valentin Isaychev.

    18. Lieutenant Vladislav Veselkov.

     


19. Lieutenant Kirill Kostennikov


20. Lieutenant Alexander Lavrichenko 

 

21. Junior Sergeant Yevgeny Petelko.

 

22. Capitaine Alexei Okhota. 

 


 

 

23. Maxim Starovoitov.

24. Ruslan Mudarisov.

25. Major Dmitry Vostrikov, commandant adjoint du bataillon d'assaut aérien.

jeudi 31 mars 2022

Légion « Liberté pour la Russie » - Легион «Свобода России»

 

Emblème de l'unité. Derrière le poing on reconnaît bien sûr les couleurs du drapeau russe.

 La légion « Liberté pour la Russie » (Легион «Свобода России») a été créée par l'armée ukrainienne pour recruter des volontaires parmi les prisonniers de guerre russes afin de combattre Vladimir Poutine. Ces volontaires signent un engagement et sont ensuite « vérifiés » par le service de renseignements ukrainien, le SBU. Ils combattent sous l'uniforme russe avec un insigne ukrainien.


La légion a créé un compte Telegram le 10 mars. Le 11 mars, un texte est appelé appelant les soldats et officiers russes à déserter pour rejoindre la cause ukrainienne et libérer la Russie. Le même jour, le compte partage un lien vers une vidéo montrant la « confession » de 2 « espions » russes. Idem le 12 mars avec une vidéo cette fois de 3 aviateurs russes capturés, dont le lieutenant-colonel Sergeevich, commandant adjoint du 47ème régiment d'aviation russe. Le même jour, le compte précise que des demandes sont faites depuis la Russie pour rejoindre la légion : le compte indique qu'il faut gagner une ambassade ukrainienne en Géorgie, en Azerbaïdjan ou dans un pays européen pour être redirigé vers l'unité. Le 13 mars, le compte relaie la tenue d'une manifestation à Moscou, et indique que 8 citoyens russes se sont portés volontaires pour rejoindre la légion ; 14 prisonniers russes en Ukraine ont également rejoint l'unité. Le 14 mars, le compte partage la vidéo de Marina Ovsyannikova, journaliste russe ayant défié le pouvoir avec sa pancarte sur un plateau de télévision. Le 15 mars, le compte soutient l'initiative du parti démocratique libre d'Allemagne qui souhaite donner asile aux soldats russes souhaitant déserter. Le 17 mars, le compte partage la vidéo d'Arnold Schwarzenegger aux citoyens et soldats russes.


Le 24 mars, la légion diffuse une première vidéo montrant un officier russe ayant rejoint la légion. Il s'agit d'un officier ayant déserté avec sa compagnie du côté ukrainien le 27 février, avec l'aide du SBU. Le même jour, le compte montre le document d'engagement et une vidéo du soldat Ocherin Nikolai Eduardovich, de la 70ème brigade indépendante de fusiliers motorisés russes, qui a rejoint la légion.


Le lendemain 25 mars, une nouvelle vidéo montre le soldat Anatoly Sergeevich Zyrenov, de la 4ème base militaire de la 58ème armée russe à Tskhinvali, en Ossétie du Sud, qui a rejoint la légion. Une autre vidéo montre l'engagement du soldat Ivan Alekseevich Mylnikov, de la même base.

 

Un soldat basé en Ossétie du Sud s'est engagé dans la légion après avoir été capturé.

 


Le 26 mars, une autre vidéo montre cette fois l'engagement du soldat Aleksey Alexandrovich Skameikin de la 70ème brigade de fusiliers motorisés indépendante basée à Shali, en Tchétchénie – probablement une erreur, il s'agit en fait du 70ème régiment de fusiliers motorisés de la 42ème division de fusiliers motorisés, qui combat sur le front sud en Ukraine, autour de Zaporoje et à Marioupol.

 

Un soldat russe qui vient probablement du 70ème régiment de fusiliers motorisés de la 42ème division, unité qui se bat au sud de l'Ukraine (front de Zaporoje puis Marioupol).

 

Le 27 mars, une nouvelle vidéo filme le capitaine Anatoly Vladimirovich Semekin, du 31ème régiment de chasse de la Garde, qui a rejoint la légion. Ce régiment de la 4ème armée aérienne russe (district militaire sud) est basé à Millerovo, près de Rostov-sur-le-Don, et il est équipé de Su-30SM. Les Ukrainiens avaient tiré un missile balistique Tochka-U sur cette base le 25 février. Le même jour, une autre vidéo d'un officier de l'unité annonce que celle-ci va bientôt commencer ses opérations sur le terrain.

 

Les officiers ralliés viennent souvent de l'aviation comme ce capitaine du 31ème régiment de chasse de la Garde de Millerovo.

 

Le 28 mars, nouvelle vidéo montrant le ralliement du Senior Sergeant Nikolay Sergeevich Shishkarey du 70ème régiment de fusiliers motorisés. Le même jour, le compte donne pour la première fois des liens vers des porte-monnaies virtuels cryptés pour que ceux qui veulent donner un soutien financier puisse le faire. Un des commandants de l'unité, qui répond au pseudonyme « Karavai », adresse un message vidéo à Vladimir Poutine.

 

"Karavai", un des premiers officiers ralliés à la légion, adresse un message à Vladimir Poutine.

 

Le 29 mars, le compte diffuse une vidéo d'un Russe, en Russie, proclament son soutien à la légion. Le même jour, vidéo d'engagement du Lieutenant Colonel Kosik Sergey Sergeevich du 14ème régiment de chasse de la Garde (6ème armée de l'air, district militaire central, basé à Koursk), qui avait été abattu avec son Su-30SM le 24 mars au-dessus de la région d'Izyoum. Ce jour-là aussi, le compte montre un reportage photo : les hommes de la légion sont instruits sur le fonctionnement du lance-roquettes antichar NLAW fourni par le Royaume-Uni à l'Ukraine.

 

Les soldats russes ralliés apprennent à manier le NLAW.

 

Le 30 mars, nouveau reportage photo où l'on voit les instructeurs ukrainiens montrer cette fois aux volontaires de la légion le lance-roquettes M72 fourni par plusieurs pays à l'Ukraine.

 

Et ici, ils apprennent le maniement du M72. On note le brassard bleu sur l'uniforme russe.

 


dimanche 13 mars 2022

Горячий снег. La 200ème brigade indépendante de fusiliers motorisés (BIFM) de l'armée russe, de l'Arctique à l'Ukraine


Un des insignes de la 200ème BIFM.


 


La 200ème brigade indépendante de fusiliers motorisés (BIFM, en russe 200-я отдельная мотострелковая бригада, en abrégé 200 омсбр(а) est l'une des unités « vitrines » de l'armée russe réorganisée depuis maintenant plus d'une décennie. Spécialisée dans la guerre arctique, stationnée dans le Grand Nord russe, près de Mourmansk, la 200ème BIFM est une brigade dotée de matériels particuliers et parfois les plus modernes de l'armée (comme les chars T-80BVM). Comme d'autres brigades supposées d'élite, son personnel a pris part à la guerre dans le Donbas à partir de 2014, et certains soldats et officiers ont également été déployés en Syrie. Logiquement, la 200ème BFIM a été déployée pour l'invasion de l'Ukraine, et engagée dès le premier jour des opérations le 24 février dernier. Toutefois, sa performance a été plus que médiocre : de nombreux matériels, en particulier, ont été abandonnés aux Ukrainiens au nord et au nord-est de Kharkov, souvent sur panne d'essence, ou après que les équipages aient fui, comme on le verra plus bas. Ce camouflet a cette brigade « vitrine » souligne en réalité que l'armée russe a bien du mal à surmonter des problèmes connus depuis longtemps, dont un qui n'est pas des moindres, à savoir le moral de ses recrues, victimes de bizutages et autres violences pendant leur temps de service.



1) Histoire de la 200ème BFIM



La 200ème BIFM (code d'unité militaire dans l'armée russe : 08275) fait partie du 14ème corps d'armée russe, au sein du district militaire de la flotte de la mer du Nord. Elle est basée à Pechenga dans l'oblast de Mourmansk, qui est à 15 km de la frontière norvégienne et à moins de 65 km de la frontière finlandaise. Cette brigade a été formée en 1997 à partir de la 131ème division de fusiliers motorisés russes. Elle protège Mourmansk et la péninsule de Kola.

 




La base de la 200ème BIFM est à Pechenga, dans l'Arctique russe, près des frontières norvégienne et finlandaise. A 2 600 km de l'Ukraine.


Elle a d'abord été rattachée à la 6ème armée du district militaire ouest, puis en novembre 2012, après avoir été désignée pour la guerre en milieu arctique, elle a été placée sous les ordres du district militaire de la flotte de la mer du Nord. Elle couvre la frontière nord de la Russie, avec d'autres unités : les troupes côtières, la 61ème brigade indépendante de fusiliers marins (dont j'avais fait le portrait de l'intervention en Syrie en 2017). Un de ses commandants, le colonel Vitaliy Leonidovich Razgonov, avait été renvoyé en avril 2011 : il y avait des problèmes liés au bizutage (fréquent dans l'armée russe), à des faits de violence la nuit dans les installations de l'unité, qui étaient semble-t-il monnaie courante, sans parler de crimes de droit commun.


La 200ème BIFM a participé à la guerre dans Donbas. Le site de recherche en source ouverte (OSINT) Bellingcat a identifié sur place l'unité qui prend part aux combats à Lougansk en septembre 2014. Le site Informnapalm quant à lui avait identifié une unité de LRM BM-21 Grad de la 200ème BIFM qui faisait feu sur les positions ukrainiennes depuis la région frontalière vers Rostov-sur-le-Don ainsi que depuis le territoire ukrainien. Les marquages tactiques peints en blanc sur les véhicules de l'unité ont été notamment remplacés par des nombres peints en jaune, un détail qui a son importance puisqu'on retrouvera cette pratique juste avant l'invasion de l'Ukraine. A l'époque, dans le Donbas, la 200ème BIFM déploie des chars T-72B3, entre autres matériels. De nombreuses médailles ont été distribuées aux soldats russes de l'unité jusqu'en février 2016, et il est presque certain que des éléments de la 200ème BIFM ont pris part à la fameuse bataille de Debaltseve en janvier 2015. La brigade serait alors commandée par Oleg Tsekov.


La 200ème BFIM rejoint le 14ème corps d'armée russe quand celui-ci est formé en avril 2017, avec la 80ème brigade indépendante de fusiliers motorisés, l'autre brigade de l'armée russe spécialisée dans la guerre arctique, avec laquelle elle forme la « brigade arctique » . Cette brigade est renforcée par des unités spéciales de la 61ème brigade indépendante de fusiliers marins notamment. En octobre 2017, un groupe tactique bataillon de 1 500 hommes participe à l'exercice « Zapad 2017 ». En mai 2018, la 200ème BIFM met en scène un exercice de destruction d'une infiltration de « terroristes » ; le commandant du groupe tactique bataillon déployé durant l'exercice a réalisé plusieurs séjours en Syrie, de même qu'un certain nombre de soldats de l'unité. Un accent est mis sur la reconnaissance et la lutte anti-drones, à partir de l'expérience syrienne. En 2019, la 200ème BIFM est la première unité à recevoir un bataillon (26-31 exemplaires, puis 40 en tout) du nouveau char T-80BVM. Cette version modernisée du T-80BV comprend un nouveau système de visée Sosna-U, un moteur amélioré, un stabilisateur pour le canon et un dispositif d'observation TVN-5 pour le conducteur. Le char bénéficie aussi d'une nouvelle station radio VHF « Aqueduc ». Le blindage est renforcé par une protection modulaire dynamique « Relic » et une protection active « Arena-M ». Le 5 mars 2019, un exercice de tirs montre la 200ème BIFM utiliser des automoteurs d'artillerie 2S3 Akatsiya (152 mm), des mortiers Nona-K (120 mm), des véhicules blindés MT-LB, des GAZ-3344-20 Aleut (véhicules spéciaux pour le transport de troupes en milieu arctique), et des chars T-80BVM.


Un char T-80BVM fait feu pendant un exercice, mars 2019.

 



Un article de la presse russe, en 2020, fait encore état de morts suspectes à Pechenga, de vols et de bizutages à l'égard des conscrits. La 200ème BIFM n'est donc pas une unité qui semble briller par son moral, en dépit de la réception de matériels de premier ordre comme les T-80BVM.



2) Organisation et matériels de la 200ème BFIM



La 200ème BIFM comprend les unités suivantes :


  • 583ème bataillon de fusiliers motorisés de la Garde.

  • 658ème bataillon de fusiliers motorisés.

  • 664ème bataillon de fusiliers motorisés.

  • 60ème bataillon indépendant de chars de la Garde.

  • 416ème bataillon d'artillerie autopropulsée de la Garde.

  • 471ème bataillon d'artillerie autopropulsée.

  • 382ème bataillon de lance-roquettes multiples.

  • 274ème bataillon de sapeurs de la Garde.

  • 871ème bataillon d'artillerie antichar.

  • 226ème bataillon de missiles sol-air.

  • 246ème bataillon de canons et missiles antiaériens.

  • 293ème compagnie de guerre électronique.

  • 185ème station de courrier postal.


La structure de la 200ème BIFM est différente des brigades habituelles de fusiliers motorisés de l'armée russe : si l'on retrouve bien 3 bataillons de fusiliers motorisés et 1 de chars, les autres unités de soutien sont plus conséquentes puisque de taille bataillon et non de taille compagnie comme d'ordinaire. C'est particulièrement vrai pour l'artillerie, avec 2 bataillons, soit 6 batteries et 36 pièces (dont la moitié de Msta-S de 152 mm) et 1 bataillon de LRM soit 3 batteries et 18 engins (BM-21 Grad). Le bataillon antichar a des 9P149 Shturm-S. La défense sol-air est assuré par des systèmes Tunguska, SA-10 Strela et Tor-M2DT. L'artillerie comprend aussi des mortiers de 120 mm 2A16. Des systèmes Tarnaul-B montés sur MT-LBu arrivent également (décembre 2021). En 2013 la brigade comptait ainsi environ 4 000 hommes. La 200ème BFIM est commandée par le colonel Denis Kurilo au moment où elle va être déployée pour l'invasion de l'Ukraine.

 


 



3) Le déploiement de la 200ème BFIM vers la frontière ukrainienne



En février 2021, une vidéo montre les chars T-80BVM et les MT-LB à l'exercice. Le 13 septembre 2021, la 200ème BFIM organise un exercice montrant une attaque repoussée sur la péninsule de Kola, avec des chars T-80BVM, des automoteurs d'artillerie 2S1 et 2S3, des MT-LB, des véhicules de défense antiaérienne Tunguska et Strela-10, des drones, des bombardiers tactiques Su-24, des BM-21 Grad. Le 11 octobre 2021, les chars T-80BVM de la 200ème BFIM sont à l'entraînement à Pechenga. A ce moment-là, on ne décèle pas encore de mouvement de la brigade vers la frontière ukrainienne.

 

Un soldat épaule un lance-roquette thermobarique RPO-A Shmel durant l'exercice de septembre 2021.


Des BM-21 Grad ouvrent le feu pendant l'exercice de septembre 2021.


Char T-80BVM pendant un exercice en octobre 2021. La 200ème BFIM a un bataillon avec 40 chars de ce modèle amélioré du T-80BV, héritier du T-80 soviétique.


La situation change vite puisqu'en novembre 2021, 2 groupes tactiques bataillon de la 200ème BIFM sont déjà repérés par un site pratiquant l'OSINT près de l'Ukraine, à Postoyalye Dvory, camp militaire à l'est de Koursk. Un reportage français diffusé le 17 décembre montre ainsi dans ce secteur des véhicules caractéristiques de la 200ème BFIM : un GAZ-3344-20 Aleut une partie arrière d'un véhicule DT-30 Vityaz, un véhicule dédidé lui aussi au transport en milieu arctique. Parallèlement, la 200ème BIFM organise un exercice à Pechenga : lutte contre des drones quadcopter, destruction d'un groupe de saboteurs. Les chars T80-BVM, les automoteurs d'artillerie 2S3 et les BM-21 Grad sont également engagés dans l'exercice, ainsi que de nombreux MT-LB.

 

Reportage français dans la région de Koursk, décembre 2021 : on aperçoit un char T-80BVM sur un porte-chars, probablement de la 200ème BFIM. L'unité a donc déjà des éléments déployés près de l'Ukraine à cette date.


 

Un GAZ-3344-20 Aleut, matériel spécifique de la 200ème BIFM, également filmé par le reportage.


La partie d'un DT-30 Vitiaz est chargée sur ce camion, il s'agit aussi d'un matériel spécifique de la 200ème BIFM.


Le 29 janvier 2022, une vidéo filme un train transportant 6 BM-21, 3 R-149MA1 et 1 R-166, 2 BTR-80 (1 en variante NBC), 8 canons D-30 (122 mm), 1 autre BTR-80 à Koursk. Le 30 janvier 2022, une vidéo montre du matériel de la 200ème BIFM dont un système antiaérien Tunguska acheminé vers le sud par train. Le 2 février, une autre vidéo documente l'arrivée d'autres matériels à Koursk : 6 mortiers 2B23 Nona-M1, 6 BM-21, 1 RPM-2, 1 BTR-80, 2 R-149MA1 et R-166, 1 R-439MD2. Le 3 février, encore une vidéo montrant le transport de matériels sur un train : 6 mortiers 2B23 Nona-M1 de 120 mm notamment. Le train avec du matériel de la 200ème BFIM arrive le 4 février à Koursk : 6 2S3 Akatsiya, 2 1V13/14, 4 Shturm-S, 2S6 Tunguska, 3 9K35 Strela-10, 2 R-330BMV (Borisoglebsk-2) de guerre électronique, 1 BREM-1, BTS-4A, 30 MT-LB. Le 20 février, toute une compagnie de chars T-80BVM et une autre de MT-LB est filmée dans la région de Koursk. Le 21 février, une colonne de T-80BVM et de MT-LB est filmée dans le district Ivnyansky de Bielgorod. Sur une vidéo des jours précédant l'invasion russe, on peut déjà apercevoir que les marquages blancs de la 200ème BFIM sur les véhicules ont été remplacés par des étoiles et des chiffres jaunes (comme dans le Donbas), et on peut également observer un nouveau marque tactique : un « Z » dans un rectangle. Toute la brigade n'a cependant pas été déployée en Ukraine : 5 systèmes Tor-MD2 sont en manœuvre à la base de l'unité à Pechenga durant le mois de février.

 

Carte du déploiement de la 200ème BIFM avant l'invasion. L'unité est présente dans la base militaire à l'est de Koursk dès décembre 2021. Des trains continuent d'amener du matériel en janvier-février 2022. Les derniers jours avant l'invasion, des colonnes sont filmées en mouvement autour de Belgorod, près de la frontière ukrainienne.


Une colonne de T-80BVM au nord-ouest de Bielgorod, 20 février 2022.


Colonne de chars T-80BVM, le même jour, région de Koursk.





4) L'invasion de l'Ukraine



La 200ème BIFM semble avoir fait partie des premières formations russes lancées dans l'invasion de l'Ukraine, dès le jeudi 24 février. Elle opère entre le nord et le nord-est de Kharkov.

 

Carte des matériels abandonnés par la 200ème BFIM et localisés. La contre-attaque ukrainienne du 28 février est partie d'Okhtyrka à l'ouest.

 


Dès ce jour-là, un T-80BVM de la brigade a sa tourelle arrachée lors de combats au nord-est de Kharkov, au carrefour de Velyka Danylivka. Le 25 février, des Ukrainiens filment les restes de 2 BM-21 Grad dans les faubourgs de Kharkov. Un des camions portent une étoile jaune caractéristique des nouveaux marquages de la 200ème BFIM après son arrivée à la frontière ukrainienne. Le lendemain, les Ukrainiens interrogent un prisonnier russe : il s'agit d'Alexander Ivanov, un contractuel de la 200ème BFIM, né en 1999. 3 BM-21, 1 MT-LB, des camions sont abandonnés par la brigade près de Kharkov. Le 27 février, un Tunguska abandonné près de Kharkov est également marqué en chiffres jaunes typiques de la brigade et semble intact, sans doute abandonné sur panne de carburant. Une vidéo montre un BM-21, 2 camions et 1 obusier D-30 abandonnés près de Kharkov. Un MT-LB quant à lui a sombré au milieu d'un pont à Lozova, à 10 km au nord de Kharkov. Une autre vidéo renseigne la perte d'un camion Ural-42306 de l'unité. Le 28 février, un BM-21 Grad avec camion portant l'étoile jaune est visible dans les faubourgs de Kharkov.

Le Tungunska "676" abandonné, on remarque la couleur jaune.

 

Sur ce camion Ural filmé par les Ukrainiens le 28 février, on reconnaît l'étoile jaune typique des marquages de la 200ème BIFM choisis avant l'invasion.


Le 2S3 Akatsiya "665" : les chiffres jaunes indiquent sans aucun doute un matériel de la 200ème BIFM.


Le 1er mars, Yuri Butusov, le rédacteur de censor.net, un site qui avait déjà repéré la 200ème BFIM dans le Donbas, poste une vidéo près de Kharkov. Les Ukrainiens auraient annihilé la veille, avec une partie de leur 93ème brigade mécanisée, deux groupes tactiques bataillon de la 200ème BFIM, un automoteur d'artillerie 2S3 aurait été détruit par un missile Javelin. La contre-attaque aurait été lancée depuis Okhtyrka dans l'oblast de Soumy. Le 2 mars, les Ukrainiens annoncent avoir capturé 6 chars T-80BVM de l'unité. 2 chars T-80BVM sont d'abord visibles, numéros 655 et 739, puis un 3ème avec le numéro 659 ainsi que 2 MT-LB (numéros 503 et 638). D'autres photos montrent des véhicules dans le village de Bezruky : 2 MT-LBVMK qui ont été abandonnés (numéros 529 et 622). Le 3 mars, les Ukrainiens placent sur la carte 2 groupes tactiques bataillon de la 200ème BFIM au siège de Soumy. Le 4 mars, 2 MT-LBVMK (dont un déjà vu précédemment, le 503) et 1 camion Kamaz 53501 sont encore détruits par une embuscade. D'autres images documentent la perte de 2 automoteurs d'artillerie 2S3, sans doute quelques jours plus tôt. Le 5 mars, une vidéo documente 2 chars T-80BVM supplémentaires pris après la contre-attaque du 28 février. Le 6 mars, dans une vidéo, les Ukrainiens revendiquent la capture de pas moins de 30 véhicules de la brigade en tout. Le 8 mars, une nouvelle vidéo montre un char T-80BVM de la 200ème BFIM capturé par les Ukrainiens à Derhachi, au nord de Kharkov. Ce même jour, la 93ème brigade mécanisée ukrainienne montre 1 char T-80BVM capturé remis en service au sein de ses rangs, qui apparaît dans une vidéo diffusée par la 93ème brigade le 11 mars. Une autre photo du 8 mars montre un 1 autre T-80BVM tourelle arrachée, complètement détruit. Le 10 mars, 1 autre char T-80BVM est détruit. Le 13 mars, des photos montrent un DT-30 Vityaz incendié, c'est le premier matériel de ce genre perdu par les Russes depuis le début de l'invasion. Il appartient très probablement à la 200ème BIFM car les photos auraient été prises dans la région de Kharkov. Le 14 mars, une vidéo montre un obusier automoteur Msta-S abandonné et un char T-80BVM détruit, tourelle arrachée, probablement pour ce dernier une des pertes subies par la 200ème BIFM dans les premiers jours de la guerre. Le Msta-S a une inscription au-dessus des chenilles « H2200 », un code d'embarquement pour les convois en train qui correspond à celui vu pour la 9ème brigade d'artillerie de la Garde avant l'invasion de l'Ukraine. La 200ème brigade dispose également en théorie de Msta-S. Le 17 mars, une vidéo montre 2 véhicules abandonnés par la 200ème BIFM : 1 MT-LBVMK et 1 2S3 Akatsiya, le premier porte l'étoile jaune typique de l'unité et le second le nombre « 542 » en jaune sur le flanc droit de la tourelle. Une autre vidéo le même jour filme 2 MT-LB donc un porte sur le flanc droit l'étoile jaune caractéristique et le numéro « 685 », et 1 camion abandonné qui semble bien avoir lui aussi une étoile jaune sur la portière passager.Le 19 mars, des photos montrent un BM-21 Grad et un camion détruits dans les environs de Kharkov : le garde-boue du BM-21 porte l'étoile jaune de la 200ème BIFM.


Le 4 avril, une vidéo montre un véhicule de commandement R-166-0.5 russe capturé et réparé par la 93ème brigade mécanisée ukrainienne : il avait été mis hors de combat par un BMP-2 avec 5 obus dès le premier jour de guerre, le 24 février. Les Ukrainiens montrent également l'emblème de la 200ème BIFM trouvé à l'intérieur du véhicule. Le 6 avril, le média russe RusVesna diffuse une vidéo montrant la 200ème BIFM dans l'oblast de Kharkov : un MT-LBVMK numéro « 645 », une position de combat avec une mitrailleuse PKM et 1 RPO-A « Shmel », des tranchées et une position défensive avec mitrailleuse lourde. Les soldats russes prétendent être à proximité de Kharkov. Les 22-23 avril, 2 vidéos montrent la récupération par les Ukrainiens du MT-LBVMK « 622 » de la 200ème BIFM, abandonné dès le 2 mars.

 

 

Le MT-LBVMK "629", on note les chiffres en jaune et l'étoile.

 

Les Ukrainiens ont récupéré un insigne de la 200ème BIFM.


Les chars T-80BVM "659" et "55(6?)" de la 200ème BIFM. On note les chiffres jaunes et l'étoile caractéristiques.

Le char T-80BVM "739", avec chiffres et étoile jaunes.  

Le char T-80BVM "657" capturé. On note le lettrage jaune et l'étoile.


Un des chars T-80BMV capturés remis en service par la 93ème brigade mécanisée ukrainienne.   


Un DT-30 Vityaz incendié dans les environs de Kharkov. Il appartient vraisemblablement à la 200ème BIFM.

Un char T-80BVM ravagé par une explosion interne, tourelle arrachée. Lui aussi appartient probablement à la 200ème BIFM.


Un 2S3 abandonné, il porte le numéro jaune "542".

Ce MT-LB détruit porte le numéro "685" et l'étoile jaune typique des marquages de la 200ème BIFM.


Emblème de la 200ème BIFM retrouvé dans un véhicule R-166-0.5 capturé par la 93ème brigade mécanisée ukrainienne.

Le MT-LBVMK "645" filmé début avril près de Kharkov, selon les Russes.


Le 3 mai, une vidéo filme un BM-21 Grad frappé de l'étoile jaune de la 200ème BIFM sur la portière passager, dans l'oblast de Kharkov, récupéré par les Ukrainiens. Il s'agit peut-être d'un véhicule vu précédemment. Le 9 mai, des photos montrent un système antiaérien mobile 9K35 Strela-10 numéro « 568 » jaune récupéré dans l'oblast de Kharkov. Le 10 mai, les Ukrainiens montrent le char T-80BVM « 650 » jaune de la 200ème BIFM capturé dans la région de Kharkov. Le même jour, une vidéo renseigne sur la présence de 2 véhicules blindés MT-LBVMK de la 200ème BIFM abandonnés sur un pont détruit à Rus'ka Lozova, près de Kharkov. Un des deux, le « 571 », avait été déjà photographié à cet endroit quelques jours après le début de l'invasion, le « 629 » par contre n'avait pas encore été documenté.

 

Le Strela-10 "568" capturé dans l'oblast de Kharkov.

 



Date

Type de véhicule

Identification

24/02/22

1 char T-80BVM

1 MT-LBVM (K?)

Tourelle arrachée par une explosion interne. La 200ème BIFM est quasiment la seule à utiliser le T-80BVM

25/02/22

1 BM-21 Grad

Etoile jaune caractéristique des marquages réalisés avant l'offensive sur la porte du camion.

26/02/22

3 BM-21 Grad, 1 MT-LBVM/K, 2 camions KamAZ, 1 GAZ-66, 1 Ural-43206.

Etoile jaune sur la portière de tous les camions capturés.

27/02/22

1 2K22M Tunguska




1 BM-21 Grad, 1 MTP-A2.1 sur Ural 4320, 1 autre camion, 1 canon D-30 (122 mm) retourné sur le sol.


1 MT-LB

Chiffres jaunes caractéristiques de la brigade sur la tourelle (numéro 676).


Etoile jaune caractéristique sur l'arrière d'un des camions.


Etoile jaune sur le flanc droit du véhicule.

28/02/22

1 2S3 Akatsiya (152 mm)




1 camion Ural-42306

Tourelle arrachée, peut-être détruit par un missile antichar Javelin


Etoile jaune sur la portière conducteur

02/03/22

3 chars T-80BVM




2 MT-LB





2 MT-LBVMK

Numéros 655, 659 et 739 en lettres jaunes sur les tourelles.


Numéros 638 en jaune avec étoile jaune sur la flanc droit, numéro 503 en jaune à l'arrière.


Numéros 529 et 622 en jaune sur le flanc droit.

04/03/22

1 camion Kamaz 53501


1 MT-LBVMK



2 2S3 Akatsiya (152 mm)



Etoile jaune sur le flanc gauche, numéro 520


Chiffres jaunes sur le flanc gauche de la tourelle. N° 544 et 665

05/03/22

2 chars T-80BVM

Numéro 55 (6?) sur le flanc gauche de la tourelle en jaune

08/03/22

1 char T-80BVM




1 char T-80BVM

Numéro 657 en chiffres jaunes, étoile jaune sur le flanc gauche de la tourelle.


Tourelle arrachée par une explosion interne, détruit.

10/03/22

1 char T-80BVM

Détruit, en feu.

13/03/22

1 DT-30 Vityaz

Incendié.

14/03/22

1 char T-80BVM

Détruit, tourelle arrachée.



17/03/22

1 MT-LBVMK



1 2S3



2 MT-LB


1 camion

Etoile jaune sur le flanc gauche


Numéro 542 sur le flanc gauche de la tourelle


Numéro 685 sur le flanc droit

19/03/22

1 BM-21 Grad



1 camion

Etoile jaune sur le garde-boue.



04/04/22

1 véhicule de commandement et de transmissions R-166-0.5

Mis hors de combat par 5 obus d'un BMP-2 ukrainien le 24 février

04/05/22

1 BM-21 Grad

Etoile jaune sur la portière passager, oblast de Kharkov.

09/05/22

1 9K35 Strela 10

Numéro « 568 » jaune

10/05/22

1 char T-80BVM

Numéro « 650 » jaune, étoile jaune, Z dans le rectangle typique de la 200ème BIFM
















































  1. Les pertes humaines subies en Ukraine


La première perte reconnue par la Russie dans la 200ème BIFM est celle du lieutenant Dmitry Kuznetsov, le 16 mars. Kuznetsov servait dans la brigade depuis décembre 2018. Fin 2020, il était devenu commandant adjoint d'une compagnie de chars. Il a été tué le 2 mars près de Kharkov. Le 28 mars, 4 autres soldats de la 200ème BIFM sont déclarés morts en Ukraine : Leonid Belyakov, Viktor Shokhin, Roman Grudov, et Sergey Egzhov. Le 12 avril, le lieutenant-colonel Khametov, commandant d'un bataillon d'artillerie de la 200ème BIFM, est déclaré mort en Ukraine. Il a été enterré au Tatarstan. Il avait fait plusieurs séjours en Syrie.

 

Le lieutenant Kuznetsov est le premier tué reconnu officiellement par la Russie appartenant à la 200ème BIFM depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. Il a été enterré le 15 mars.