En 1966, les éditions J'ai Lu rééditent, dans leur fameuse collection bleue J'ai lu leur aventure, les mémoires, écrits après la guerre, d'Alexeï Fedorov, parues en URSS en 1947-1958 et déjà une première fois en français en 1951.
Fedorov est né près de Dniepropetrovsk dans une famille de paysans ukrainiens. Il combat pendant la guerre civile russe dans les rangs de l'Armée Rouge. Entré au parti communiste en 1927, il est nommé en 1938 premier secrétaire du comité régional de Tchernigov, dans le nord de l'Ukraine. Pour ses exploits comme chef de partisans, il terminera la guerre avec le grade de général, décoré deux fois du titre de Héros de l'Union Soviétique. Une statue lui est érigée à Dniepropetrovsk. Elle est déboulonnée en janvier 2023, alors que la Russie a envahi l'Ukraine l'année précédente.
Fedorov dirige pendant la Grande Guerre Patriotique l'un des groupes de partisans les plus actifs de cette région de l'Ukraine. Le premier tome montre combien l'organisation des partisans soviétiques sur les arrières de la Wehrmacht n'a pas été chose facile. Elle avait été anticipée avant la guerre, mais les belles constructions théoriques du parti ne tiennent plus devant la violence du choc de l'attaque allemande, le 22 juin 1941, même si, en fin de compte, elles s'avèrent utiles par certains côtés.
Fedorov, après le bombardement et l'occupation de Tchernigov par les Allemands, erre lui-même plusieurs mois à travers les forêts, les marais et les campagnes d'Ukraine, en compagnie de soldats de l'Armée Rouge pris derrière les lignes allemandes -et qui formeront souvent l'essentiel des premiers groupes de partisans-, de paysans souhaitant échapper à l'occupation ou de personnages plus atypiques, comme ce vieillard parlant allemand et qui ne veut pas être réquisitionné comme interprète, préférant s'en aller à chaque fois avec sa vache !
Fedorov découvre que l'organisation clandestine prévue avant le déclenchement des hostilités n'a pas pu se mettre en place. Il faut tout repenser, tout reconstruire, au milieu d'une population plutôt complice des partisans, mais qui compte aussi des éléments antisoviétiques n'hésitant pas à rallier l'occupant pour rétablir l'ancien régime tsariste ou pour y trouver leur profit, comme ce criminel de droit commun visiblement passé au service des Allemands.
L'auteur a néanmoins tendance à penser que la majorité des Ukrainiens a soutenu le camp soviétique pendant la guerre, ce qu'il resterait à étayer plus précisément. Hormis dans quelques passages, il n'y a cependant aucune intention réelle de propagande : Fedorov expose sans fard ses doutes, ses hésitations, ses ratés même -comme lorsqu'il tire sur un homme qui se fait un peu trop pressant et qu'il suspecte d'être un mouchard, et qu'il rate ! La peinture du mouvement partisan à ses débuts, dans la région de Tchernigov, n'a ainsi rien de glorieux, bien au contraire : on manque d'armes, d'expérience militaire, d'entraînement, même si la population fournit le gîte et le couvert.
Dans le tome 2, Fedorov cordoonne et rassemble plusieurs groupes de partisans pour montrer une première attaque d'envergure, en décembre 1941, contre une garnison allemande, avec plusieurs centaines d'hommes. Cette attaque a un succès. Toutefois, la situation des partisans reste précaire : ils doivent s'armer sur leurs adversaires, manquent de nourriture, d'hygiène, de soins médicaux. Ils doivent constamment changer d'emplacement en raison des opérations de ratissage menées par les Allemands. Fedorov exagère sans doute les chiffres des pertes infligées à l'ennemi (il prétend aussi que des Finlandais se trouvent dans ce secteur du front de l'est, ce qui semble hors de propos). La situation s'améliore quand les partisans parviennent à prendre contact avec Moscou qui organise alors des parachutages, des posers d'avions légers, et dote le groupe d'un poste radio pour les communications. Fedorov lui-même est ainsi emmené à Moscou par avion pour rencontrer les dirigeants soviétiques qui coordonnent l'action des partisans avec la Stavka, notamment Ponomarenko (le tome 2 se termine là-dessus). L'action des partisans devient ainsi plus efficace dès l'été 1942, au moment où les Allemands combattent dans Stalingrad.
Comme souvent dans ce genre d'ouvrage de témoignage ou mémoires, il manque une introduction par un spécialiste/historien qui remettrait en contexte le document. N'ayant pas encore assez lu sur le mouvement partisan soviétique durant la Grande Guerre Patriotique, je vais donc m'employer à le faire pour mieux jauger le témoignage de Fédorov.
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