mercredi 23 août 2023

Patrice PERNA et Fabien BEDOUEL, Darnand. Le bourreau français, Paris, Rue de Sèvres, 2018-2019 (3 tomes)

 



En 2018, le tandem Patrice Perna au scénario et Fabien Bedouel au dessin -je crois ne rien avoir lu d'eux autre part, j'ai donc un regard assez neuf- livre le premier volume d'une trilogie consacrée au personnage de Joseph Darnand, ancien héros de la Première Guerre mondiale puis des corps francs en 1939-40 devenu chef de la Milice puis officier dans la Waffen-SS. La couverture du tome 1, ci-dessus, particulièrement soignée, résume le contenu, comme ce sera pour les cas pour les suivantes : le premier volume aborde justement l'expérience de Darnand depuis la Première Guerre mondiale jusqu'à la défaite de juin 1940, période que pour le coup on connaît en général moins sur ce personnage. Romancée, l'histoire de Darnand le confronte, dès le premier tome, à celui qui sera sa némésis tout au long de la BD : son frère d'armes Ange Servaz, sniper dans les tranchées (on a le droit au tout début du tome 1 a une belle explication du terme). Le coup de main du 14 juillet 1918 où s'est illustré Darnand est bien restitué, puis on suit son parcours dans l'entre-deux-guerres, où il fréquente l'organisation d'extrême-droite surnommée la Cagoule, enfin son coup d'éclat dans les corps francs en 1940 et pour terminer son évasion du camp de Pithiviers. A la fin du premier volume se trouve la une d'époque de Paris Match, datée du 21 mars 1940, relatant l'exploit de Darnand. En tête de volume, les deux auteurs mentionnent 3 ouvrages en "bibliographie conseillée" : celui de Delperrié de Bayac sur la Milice, celui de Giolitto sur le même sujet, et la biographie d'Eric Brunet sur Darnand. Le premier est un peu daté, les deux derniers ne sont à proprement parler des ouvrages d'histoire au sens strict, notamment le dernier d'entre eux. Il faut dire que la bibliographie sur le personnage est assez ténue : il faut aller chercher dans des ouvrages comprenant des chapitres sur le personnage, un de Jean-Paul Cointet en 2017 ou un autre de Bénédicte Vergez-Chaignon en 2019.


Le deuxième tome revient sur la période de la Milice, entraperçue à la fin du premier volume. Le personnage de Marcel Gombert, acolyte de Darnand, va prendre davantage d'importance. Le dialogue entre Darnard et Servaz est l'occasion de parler du massacre de Lidice. Un des morceaux de choix du tome est l'assaut par Darnand de l'école des cadres de la Milice d'Uriage, révoltée contre son chef sous la coupe d'un leader royaliste. La fin de l'album montre le jeu de l'ombre entre Résistance et Milice, chacun essayant d'infiltrer l'autre pour ensuite faire commettre des actes qui vont ternir la réputation du groupe visé...



 

Le tome 3, le dernier de la série, se conclut par l'exécution de Darnand, dont on voit une image annonciatrice en couverture. Il commence très fort avec l'assaut allemand sur le maquis des Glières et le massacre des résistants. Il évoque aussi l'entrée de Darnand dans la Waffen-SS et sa rencontre avec Hitler et la fin du dernier carré de la Milice en Italie du Nord, avant le procès et l'exécution de son chef. Le scénario tourne aussi autour du fameux trésor de la Milice, les auteurs ont placé des coupures de presse de l'époque parlant du sujet en fin de volume. Si les sources restent les mêmes, un autre ouvrage apparaît en note dans ce tome (Dominique Veillon, La collaboration, 1984). Ici, la fiction prend un peu plus le pas sur la réalité car le personnage de Marcel Gombert n'accomplit pas ici, historiquement, son véritable parcours.

Dans toute la série, le dessin, soigné, s'accorde bien avec le propos, qui montre comment le héros de guerre de 14-18 s'est transformé en bourreau implacable en 39-45. La reconstitution des uniformes, des armes et véhicule, est également fidèle. La bande dessinée réussit le pari osé de ne pas porter de jugement sur ce personnage peu sympathique a priori, mais d'essayer de montrer comment un vétéran de la Grande Guerre a basculé dans l'extrême-droite et n'a jamais réussi à en revenir. Il manque peut-être une période qui aurait apporté un plus : celle qui sépare 1918 de 1939, à peine évoquée dans le premier tome, et qui aurait peut-être permis de comprendre le basculement d'un ancien combattant qui a du mal à décrocher vers des idées radicales.

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