vendredi 11 août 2023

Sir Eugen MILLINGTON-DRAKE, La fin du Graf Spree, J'ai leur leur aventure 236, J'ai Lu, 1970, 307 p.

 

La collection J'ai lu leur aventure propose, en 1968, la traduction de ce livre écrit par l'ambassadeur britannique en poste à Montevideo au moment du sabordage du Graf Spee, Eugen Millington-Drake.

Millington-Drake bâtit son récit à l'aide de nombreux témoignages d'acteurs - il en fut un lui-même - et pas seulement sur celui du capitaine Dove, de l'Africa Shell, coulé par le Graf Spee  le 15 novembre 1939 et qui fut retenu sur le cuirassé de poche, témoignage qui reste un classique sur l'épisode. L'auteur montre ainsi que Langsdorf, le capitaine du Graf Spee, manqua un certain nombre de prises sur les navires coulés, et que c'est l'ambition, selon lui, de dépasser le tonnage coulé par l'Emden, autre corsaire de la guerre de course, pendant la Première Guerre mondiale, qui lui fit croiser dans le Rio de la Plata au lieu de rentrer en Allemagne comme c'était son intention initiale. La bataille du Rio de la Plata met aux prises, selon l'auteur, deux commandants éprouvés : Langsdorf et le commodore Harwood, à la tête de la force G, regroupant le croiseur lourd HMS Exeter et les croiseurs légers Ajax, portant sa marque, et Achilles, néo-zélandais.

L'HMS Exeter se rue littéralement sur le Graf Spee, qui profite de la portée plus grande de ses canons de 280 pour l'endommager sérieusement, non sans avoir récolté au passage quelques obus de 203 anglais. Le récit de Millington-Drake rend justice au combat naval, infiniment plus sanglant qu'on ne veut bien l'imaginer avec la tôle déchiquetée, les corps démembrés, le sang qui ruisselle sur les navires éventrés. Bell, à la tête de l'Exeter, manque d'être tué par un obus alors qu'il dirige le feu de son bâtiment. Profitant que le Graf Spee ait concentré le tir de ses pièces lourdes sur l'Exeter, l'Ajax et l'Achilles chargent le cuirassé de poche, expédiant obus et torpilles. Les prisonniers anglais des navires marchands coulés, sur le Graf Spee, peuvent observer le combat à travers les trous pratiqués par les obus autour et dans la pièce où ils sont détenus - étrange perspective que de souhaiter la destruction d'un navire qui risque d'entraîner la personne avec lui au fond de l'océan.

L'Exeter, hors de combat, regagne les Falklands. Harwood poursuit avec ses 2 croiseurs légers le Graf Spee qui se dirige vers Montevideo, port neutre en Uruguay. Millington-Drake avance des hypothèses sur les hésitations de Langsdorf pendant et après le combat : il aurait attaqué pensant que les croiseurs protégeaient un convoi. Mais on peine à comprendre pourquoi le Graf Spee n'a pas achevé l'Exeter ou, après la mise hors de combat de celui-ci, n'a pas détruit les deux autres croiseurs. Un témoignage d'officier allemand indique que Langsdorf a dirigé le combat depuis la hune de télépointage, non protégée, où il a été blessé deux fois. Son commandement, semble-t-il, en a pâti. Les analyses de contemporains, notamment d'officiers de la marine des deux camps, pensent que Langsdorf aurait dû tout simplement rompre le combat après avoir reconnu les croiseurs ou tirer hors de portée des pièces de ceux-ci.

S'ensuit alors un duel feutré pour, d'un côté, sauver le cuirassé de poche, de l'autre, le détruire ou l'immobiliser. Si le Graf Spee compte 36 morts et plus d'une cinquantaine de blessés, son armement principal est intact, bien qu'il dispose de peu de munitions pour un autre combat. Les Britanniques, qui font d'abord tout pour limiter le temps de séjour du cuirassé de poche, vont ensuite changer leur fusil d'épaule en voulant retarder son départ, le temps de rameuter d'autres unités navales au large du port. Parallèlement, ils montent une opération d'intoxication pour faire croire aux Allemands que de grosses unités ont rejoint la force G. Or celui-ci n'a reçu l'aide que du Cumberland, venu à marche forcée des Falklands, un seul croiseur lourd qui compense la perte de l'Exeter. Intoxiqué - ce qui prouve d'ailleurs que le renseignement allemand est bien à la peine en ce début de conflit -, Langsdorf n'entrevoit comme seule solution que le sabordage du bâtiment. Lequel intervient finalement le soir du 17 décembre, quatre jours après la bataille du rio de la Plata. Langsdorf, qui ne concevait manifestement pas de survivre à la destruction de Graf Spee, se suicide deux jours plus tard.

L'ouvrage se termine par un annexe comprenant les notes de Millington-Drake suite à une émission et à un débat de la télévision française dans les Dossiers de l'écran. 


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