Scénariste : Julien Hervieux (alias l'Odieux Connard). Ancien professeur d'histoire-géographie. Se fait connaître en 2009 avec son site Le blog d'un odieux connard, où sous la forme de longs dessins, il critique avec un humour acerbe d'abord des scénarios de films hollywoodiens, mais bientôt beaucoup d'autres sujets également (c'est là que je l'ai lu pour la première fois). A partir de 2017, il crée sous un format vidéo (Youtube) Le petit théâtre des opérations, qui raconte des histoires méconnues ou sortant de l'ordinaire liées aux conflits du XXème siècle (les deux guerres mondiales notamment mais pas que), en particulier sur le côté français. C'est ce petit théâtre des opérations qui est adapté en bande dessinée à partir de 2021 (j'ai lu les tomes 2 et 3 également, pas encore le premier, mais je tâcherai de le faire et de les ficher ici ensuite), et même en livre aux éditions Perrin en 2022 (pas encore lu).
Illustrateur : Monsieur le chien. Pseudonyme d'un auteur de bande dessinée qui travaille notamment pour Fluide Glacial. Je n'avais rien lu de lui avant Le petit théâtre des opérations.
Sujet : comme l'indique le titre, les faits racontés renvoient à l'histoire militaire.
Lieu et époque : XXème siècle.
Résumé : on trouve dans ce tome, pour commencer, l'histoire de Stubby, un des chiens les plus décorés de la Première Guerre mondiale, qui a servi avec le contingent américain envoyé en France. C'est bien emmené, c'est rigolo, j'adore.
La deuxième histoire (format court : il y a soit le format long comme Stubby développé sur 6-8 pages, soit le court sur une seule page) renvoie au projet de char volant soviétique Antonov A-40 avec un char T-60. Ici, comme c'est parfois le cas, le scénariste force un peu le trait en montrant des Soviétiques ivres imaginant ce projet de char volant. Le cliché du Russe soûl peut faire sourire, mais usé jusqu'à la corde, il devient un peu un poncif. D'autant que les Soviétiques n'abandonneront pas, après la guerre, l'idée du « char volant » et développeront d'autres méthodes pour aérotransporter des véhicules directement sur le champ de bataille.
La troisième histoire détaille le parcours du fameux général allemand von Lettow-Vorbeck pendant la Première Guerre mondiale, dans l'Afrique orientale allemande. Là encore, le style de Julien Hervieux fait mouche. Par contre, la présentation du personnage est un peu tronquée : certes von Lettow-Vorbeck s'est opposé à Hitler et aux nazis, mais il a participé à la répression des troubles révolutionnaires à Hambourg en 1919 avec les corps francs et au putsch manqué de Kapp, entre autres, raison pour laquelle il a été remercié de la Reichswehr.
La quatrième a pour objet le sous-marin français Casabianca et ses exploits lors de missions clandestines, notamment en Corse occupée. Excellent récit dans le style de l'Odieux connard.
La cinquième histoire en format court s'intéresse au projet Habbakuk pendant la Seconde Guerre mondiale : un porte-avions iceberg. Ici, c'est plus le caractère limité du format qui pèche et empêche de détailler davantage ce projet pour le moins ahurissant.
La sixième histoire revient sur le cas Eddie Chapman, le fameux agent « Triple Cross » de la Seconde Guerre mondiale – j'aurais aimé que le passage parle du film de 1966 réalisé par Terence Young, inspiré de cette histoire, avec Christopher Plummer dans le rôle de Chapman, dans les dernières cases ou ailleurs.
La septième partie relate les exploits de Roger Vandenberghe, héros des commandos français en Indochine. Le personnage faisait tellement peur au Viêtminh que ce dernier avait mis sa tête à prix : il sera assassiné dans son sommeil par un de ses commandos « retourné ».
Dans la huitième histoire, il est question de la fameuse armée polonaise Anders, reconstituée par ce général prisonnier des Soviétiques à partir de 1941, et qui, passant par l'Iran, plantera son drapeau au sommet du monte Cassino en 1944. L'occasion, aussi, d'évoquer le massacre de Katyn commis par les Soviétiques.
La neuvième histoire, de format court, peine là encore à convaincre, sur les déboires des Britanniques en 1914 face aux sous-marins allemands (cela valait-il vraiment une planche ? Pas sûr).
Dans la dixième partie, la BD s'attache au parcours de Robert Lee Scott Junior, qui cherchera pendant toute sa carrière d'aviateur à piloter des avions de chasse, contre vents et marées, et non sans déboires... à noter qu'un film inspiré de ses mémoires, God is my co-pilot, sortira dans les salles en 1945.
La onzième partie, format court, revient sur les éperonnages effectués par la corvette Aconit des Forces Navales Françaises Libres (à noter que l'Aconit était une corvette britannique de classe Flower) sur deux U-Boote pendant la Seconde Guerre mondiale, le 11 mars 1943.
En douzième place, on trouve l'histoire de Virginia Hall, une Américaine travaillant pour le SOE puis l'OSS dans la France et l'Europe occupée, et de sa prothèse de jambe Cuthbert, pendant la Seconde Guerre mondiale. A noter que selon un rapport de la CIA après la guerre – puisqu'elle a continué son travail dans son organisation-, Virginia Hall a été mise sur la touche par des collègues masculins qui manifestaient un vrai complexe d'infériorité à son égard.
La treizième et dernière histoire courte est celle de François Waterlot, soldat condamné à mort et fusillé en septembre 1914 mais qui survit miraculeusement au peloton d'exécution, avant de trouver la mort au combat quelques mois plus tard. A noter que Waterlot a été condamné, sans véritable enquête, avec 6 autres soldats de son régiment, et qu'il a été réhabilité en 1926 avec ses camarades.
Dessin : dessin classique de BD franco-belge, mais efficace. Rien à redire.
Sources utilisées : c'est peut-être là que le bas blesse. A la fin de chaque histoire longue, une page prolonge la partie bande dessinée par une partie de réflexion. Mais aucune source n'est indiquée ou même une partie « Pour aller plus loin » qui comprendrait quelques références à lire. C'est dommage, et cela explique sans doute les limites à certains sujets relevées ci-dessus. Le ton caustique gagnerait sans doute davantage en crédibilité s'il montrait plus de recherches sérieuses. Certes, le propos ne se veut sans doute pas documentaire, mais quand on parle d'histoire, c'est bien de l'être un peu aussi. Moi, en tout cas, j'apprécierai une petite inflexion.
Conclusion : l'Odieux connard, on aime, ou on aime pas, à mon avis. Pour ma part, j'apprécie beaucoup la BD à la lecture, ce qui ne m'empêche pas de conserver une distance critique sur le contenu. Rien de rédhibitoire toute fois, simplement, parfois, de petits partis pris d'écriture. J'aimerai bien toutefois voir apparaître un petit pan documentaire pour compléter le traitement des sujets.
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