mardi 28 novembre 2017

La bataille d'al-Boukamal

Merci à M. Morant et B. Khabazan.

Al-Boukamal était la dernière ville d'importance contrôlée par l'EI en Syrie, près de la frontière irakienne, après la chute de Mayadin puis de Deir Ezzor. L'EI, qui a pourtant indiqué dans son hebdomadaire al-Naba dès le mois d'octobre 2017 qu'il ne mènerait plus de combat urbain prolongé et qu'il repasse à l'insurrection, va pourtant s'accrocher dans al-Bukamal, sans qu'une explication suffisamment étayée puisse être avancée. A-t-il voulu profiter de la précipitation des forces du régime syrien, préoccupées à l'idée que les SDF puissent s'emparer de la ville en premier ? A-t-il voulu un succès d'estime avant de rebasculer complètement vers l'insurrection ? Cherchait-il à gagner du temps pour permettre l'évacuation de personnes ou de structures importantes ? Impossible de trancher. Côté régime syrien, l'assaut sur al-Boukamal est essentiellement mené par des forces étrangères alliées. Cette étude en source ouverte sur la bataille d'al-Boukamal, qui ne peut être exhaustive au vu notamment de la multiplicité des forces engagées du côté du régime syrien, vise à donner un aperçu de la complexité des acteurs présents pour cette partie.



Le régime syrien avance sur al-Boukamal depuis 2 axes : depuis le nord, où Mayadin est tombé sans trop de combats contre l'EI en octobre, et depuis l'ouest, et la zone désertique. La station de pompage T2 a été capturée par les forces du régime le 26 octobre. Sur ce dernier front, ce sont des contingents étrangers qui sont majoritairement engagés. Parallèlement, en Irak, une offensive est lancée dans la province d'al-Anbar contre l'EI : la ville d'al-Qaïm, située en face d'al-Boukamal le long de la frontière, est capturée le 3 novembre, sans trop de combats encore une fois.

Carte du média du Hezbollah montrant la situation le 1er novembre. Les forces du régime sont encore à 50 km à l'est d'al-Boukamal.

Le 1er novembre, les forces du régime sont encore à 50 km à l'est d'al-Boukamal, à l'Est de la station T2. La chaîne Youtube liée au Hezbollah libanais publie une vidéo sur les opérations à l'est de la station de pompage T2. Une colonne avance sous la protection d'un char T-72B (?) ; un bulldozer est en tête pour établir rapidement des fortifications avec tranchée et levée de terre. Plusieurs pick-up Land Cruiser avec ZU-23 (dont l'un avec cage de protection autour du canon) ouvrent le feu. Derrière une levée de terre, une dizaine de combattants sont visibles : l'un tire avec une mitrailleuse PKM, un lance-missiles antichars Konkurs est en batterie. Des combattants de l'EI sont visibles derrière leurs positions défensives. Un BM-21 Grad est utilisé pour les bombarder de même qu'un automoteur d'artillerie 2S1 Gvozdika (122 mm), un mortier et un lance-roquettes artisanal. La colonne reprend sa marche. Les sapeurs font sauter des IED laissés derrière lui par l'EI. Les bulldozers entrent en action pour préparer de nouvelles positions défensives. L'artillerie pilonne à nouveau les positions de l'EI -avec cette fois un canon M-46 de 130 mm en plus des autres pièces. Un tir de missile antichar vise les positions adverses. Liwa Fatemiyoun, la division d'Afghans chiites hazaras recrutés par l'Iran pour combattre en Syrie, publie également une vidéo le 1er novembre montrant sa présence dans le secteur : nombreux véhicules Safir iraniens (dont certains armés, notamment de canons sans recul de 106 mm), camions pour transporter les pièces d'artillerie (M-46 de 130 mm, D-20 de 152 mm), véhicule blindé BMP-1, char T-72... l'infanterie transportée en pick-up est appuyée par un technical avec KPV. Ce jour-là, 6 bombardiers russes Tu-22M3 frappent les positions de l'EI à al-Boukamal.






Le 2 novembre, 6 bombardiers russes Tu-22M3 frappent les positions de l'EI à al-Boukamal. Le 3 novembre, la Russie lance encore 6 bombardiers Tu-22M3 sur al-Boukamal qui larguent leur cargaison de bombes FAB-500 sur les positions de l'EI. En parallèle, le sous-marin de classe Kilo améliorée (Projet 636.3) Kolpino tire 6 missiles Kalibr contre ces mêmes positions.

Un Tu-22M3 russe largue ses bombes sur al-Boukamal.
Le 4 novembre, la chaîne du Hezbollah publie une autre vidéo sur les opérations dans le même secteur. Le lance-roquettes artisanal, un mortier léger et un LRM Type 63 monté sur véhicule Safir (iranien) entrent en action. Le Hezbollah utilise aussi cette fois un char T-55 avec désignateur laser. On peut clairement voir sur un pick-up Land Cruiser avec ZU-23 le drapeau du Hezbollah. Un Land Cruiser pick-up avec KPV protégé par un bouclier ouvre également le feu. Un L-39 du régime syrien fournit l'appui aérien. Le Hezbollah utilise aussi un pick-up Toyota avec LRM Type 63 et une batterie de mortiers. 2 véhicules blindés BMP-1 avec blindage cage autour de la tourelle -typique du Hezbollah- et portant le drapeau du mouvement libanais sont aussi présents. 2 chars T-90 sont également employés. Le Hezbollah utilise un lance-missiles antichars Kornet pour cibler un véhicule de l'EI. Un des servants de mortier porte clairement l'écusson du Hezbollah sur la manche droite. Bulldozers, chars, pick-up, paires de combattants à moto avancent. Sur la route, le convoi comprend un MT-LBV (avec ZU-23). Le Hezbollah engage aussi en appui-feu un de ses canons M-46 de 130 mm monté sur camion qui relève peut-être cette fois de l'armée arabe syrienne. Le corps expéditionnaire en Syrie de la milice chiite irakienne Kataib al-Imam Ali est également présent sur cet axe de progression. Une vidéo montre une infirmerie de campagne dans les positions tenues au milieu du désert. La Russie lance des bombardiers Tu-22M3 sur al-Boukamal pour frapper les positions de l'EI.





L-39 de l'aviation syrienne en appui rapproché.





Missile antichar Kornet.




M-46 sur camion, peut-être du régime syrien.

Emblème de Kataib al-Imam Ali.



Un Tu-22M3 russe lâche sa cargaison de FAB-500 sur al-Boukamal.

Toujours sur ce même front à l'est de la station T2, une autre vidéo de la chaîne du Hezbollah du 5 novembre démarre par un camp de Liwa Fatemiyoun, dont le drapeau est aisément reconnaissable. L'unité a été très engagée dans l'offensive du régime syrien à l'Est de la Syrie depuis le printemps. On peut voir 30 à 50 Hazaras afghans dont une escouade armée avec pas moins de 5 fusils anti-matériel AM 50 iraniens -plus un tireur sur SVD Dragunov. La Fatemiyoun est appuyée par un char T-90 et un BMP-1 semble-t-il. Un hélicoptère Gazelle du régime syrien survole ses positions. Le Hezbollah est en appui avec un LRM Type 63 sur pick-up qui tire des roquettes de 107 mm de fabrication iranienne. A cette date, les forces du régime ne sont plus qu'à 30 km d'al-Boukamal.

Carte de situation au 5 novembre (média Hezbollah). Le régime est à 30 km à l'est d'al-Boukamal.







Le 7 novembre, une nouvelle vidéo montre le Hezbollah avec un char T-62, un véhicule blindé BMP-1 avec blindage en cage autour de la tourelle. Un char T-55 ouvre le feu. Le Hezbollah utilise encore son mortier léger. Les combattants sont transportés par camion et moto. Un combattant casqué du Hezbollah tire avec une mitrailleuse PKM ; l'escouade autour de lui, avec une majorité d'hommes casqués, tire à l'AKMS, il y a également un tireur d'élite sur SVD. Des hommes de l'EI sont visibles à distance. Le Hezbollah fait sauter un véhicule kamikaze abandonné. Le canon M-46 de 130 mm fournit l'appui-feu, de même qu'un mortier moyen. Le Hezbollah aligne aussi un pick-up avec Toophan (version iranienne du TOW). Protégés par les chars, les BMP-1, un buggy et l'infanterie à pied, les bulldozers creusent de nouvelles positions défensives.








L'avance à l'est de la station T2 ne se fait pas sans pertes. Le Hezbollah accuse 4 tués dans la province de Deir Ezzor début novembre. L'agence de propagande Amaq de l'EI publie une vidéo montrant deux tirs de missiles antichars Konkurs/Fagot sur un char et un véhicule le 7 novembre dans le secteur. Le 8 novembre, ce sont deux commandants de Liwa Fatemiyoun qui sont tués sur la route d'al-Bukamal. Deux jours plus tôt, Saffar Seifi, qui commandait le contingent de Liwa Fatemiyoun sur le front de Mayadin, a été enterré en Iran.

2 commandants de la Fatemiyoun tués à l'est de la station T2.

Seiffar Seffi, qui commandait le contingent de la Fatemiyoun sur le front de Mayadin, est enterré en Iran le 6 novembre.

Le 8 novembre, la chaîne du Hezbollah montre la jonction, à la frontière, des combattants du Hezbollah et de la milice chiite irakienne Harakat Hezbollah al-Nujaba, née en 2013 en Syrie pour combattre aux côtés du régime et depuis revenue en Irak -tout en continuant d'être présente en Syrie. Nujaba a une brigade -la n°12- dans la mobilisation populaire (Hashd al-Chaabi). La brigade 12 de Nujaba a participé à l'opération pour reprendre al-Qaïm et elle est postée sur la frontière syro-irakienne au sud d'al-Bukamal. Nujaba combattra aussi dans al-Boukamal, sans que l'on puisse dire s'il s'agit d'éléments de la brigade 12 ou de son corps expéditionnaire en Syrie. L'imposant convoi de pick-up et de technicals du Hezbollah est accompagné d'un char T-72 et de 2 jeeps Wrangler, ainsi que d'un BMP-1 et d'un buggy dont le conducteur tient un AKSU-74.


Situation au 8 novembre. Le régime entre dans al-Bukamal par le sud et par l'ouest, pour peu de temps.


Le 9 novembre, une vidéo du Hezbollah montre l'entrée dans les faubourgs al-Bukamal. LRM Type 63 sur véhicule, mortiers, technicals ouvrent le feu pour préparer l'assaut. 3 véhicules blindés BMP-1 portant le fanion du Hezbollah et un blindage cage autour de la tourelle sont déployés, de même que 3 chars. Plusieurs escouades d'une dizaine d'hommes du Hezbollah se préparent à l'assaut. Les forces du régime syrien pénètrent dans al-Boukamal par l'ouest et par le sud, tandis que des milices chiites irakiennes de la mobilisation populaire, franchissant la frontière, avancent au nord de la ville. Le régime annonce la chute de la ville d'al-Boukamal.

En réalité, le Hezbollah et les autres forces étrangères du régime syrien n'ont fait qu'investir les faubourgs de la ville. L'EI monte rapidement une contre-attaque dès le soir du 9 novembre, après s'être dissimulé dans des tunnels, en laissant avancer l'adversaire, ce dont témoigne une vidéo Amaq du 10 novembre. On peut y voir un mitrailleur PKM avec AK dans le dos, un pick-up Land Cruiser avec canon 2A7 de 23 mm et pas moins de 4 tirs de missiles antichars sur des chars ou des bulldozers ; plusieurs véhicules sont en flammes. L'EI filme l'intérieur de la ville, où l'on peut voir les restes des dais tendus au-dessus des rues pour masquer l'observation aérienne. Les forces du régime sont repoussées en dehors de la ville le 11 novembre.




Les restes des dais pour masquer l'observation aérienne filmés par l'EI dans al-Boukamal.



Le Hezbollah publie les posters de 9 de ses « martyrs » tués à al-Boukamal. Plusieurs membres syriens du Hezbollah (chiites) sont également tués dans cette contre-attaque. En tout, pendant la bataille d'al-Boukamal, ce sont 17 hommes syriens du Hezbollah de Zahra et Nubl, 4 de Foua et Kafraya et 7 de Homs qui sont tués. La milice chiite irakienne Kataib Hezbollah, qui a participé à la prise de la ville d'al-Qaïm le 3 novembre précédent (avec un char T-90 et un ZSU 23/4 équipé du système Sarab contre les missiles antichars, tout droit venus de Syrie après livraison par la Russie), poste également un poster de 5 « martyrs » tombés sur le front d'al-Bukamal. La milice palestinienne pro-régime syrien Liwa al-Quds, à l'origine basée à Alep, annonce aussi la mort de 5 de ses combattants ainsi que 7 blessés, tous recrues de fraîche date dans la province de Deir Ezzor.

Les 9 tués du Hezbollah.

Les 5 tués de Kataib Hezbollah.

Repoussées en dehors d'al-Bukamal, les forces du régime syrien pansent leurs plaies et préparent un nouvel assaut. La chaîne militaire du Hezbollah ne publie plus de vidéos pendant près d'une semaine, jusqu'au 15 novembre. Une vidéo montre alors des renforts acheminés devant la ville : on peut voir un camion portant un canon AZP S-60 de 57 mm sur camion, un BMP-1 modifié qui embarque un canon ZU-23 en place de sa tourelle, un Safir avec canon sans recul de 106 mm... de nombreux véhicules portent l'étendard du Hezbollah. L'EI, de son côté, publie un reportage photo montrant ses opérations au sud de Mayadin, au nord d'al-Boukamal. On peut y voir un tireur d'élite sur M-16 à lunette, une mitrailleuse lourde Type 77/85 montée sur une moto -montage déjà observé récemment plus à l'est face aux miliciens irakiens- et un Toyota Hilux armé d'une mitrailleuse lourde KPV. L'agence Amaq montre ce jour-là un tir de missile antichar sur un blindé à Hamdan, au nord-ouest d'al-Boukamal. Les Russes envoient 6 bombardiers TU-22M3 escortés par des Su-30SM de Hmeymin, dans la province de Lattaquié, pour frapper les positions de l'EI à al-Boukamal.





Le 16 novembre, une nouvelle vidéo montre les forces du régime reprenant l'offensive sur al-Boukamal. Une cinquantaine d'hommes se préparent à monter en ligne, avec des mitrailleurs sur PKM, des tireurs au lance-roquettes RPG-7 et au moins un tireur d'élite sur SVD Dragunov. Un des combattants semble porter dans le dos le drapeau de la milice chiite irakienne Asaib Ahl al-Haq, dont on retrouvera de nouveau l'emblème dans les combats de rues. On distingue également ce même drapeau sur un pick-up Land Cruiser armé d'une mitrailleuse KPV au tout début de la vidéo. Cette milice a reconnu l'existence d'un corps expéditionnaire en Syrie, Liwa Kafeel Zaynab, dès juillet 2013 ; elle avait envoyé des combattants pour alimenter d'autres milices probablement avant cette date. Asaib Ahl al-Haq dispose de 3 brigades dans la mobilisation populaire (41, 42 et 43) : les brigades 41 et 43 sont positionnées non loin de la frontière et il est fort possible que des combattants l'aient traversé pour prêter main forte au régime, à moins qu'il s'agisse d'une unité du corps expéditionnaire syrien de la formation. L'EI communique également beaucoup sur la défense de la ville devant le renouveau d'offensive du régime : des moyens conséquents sont mobilisés, puisque l'on peut voir pas moins de 4 tirs de missiles antichars, notamment sur des bulldozers. Un obusier D-20 de 152 mm sur camion est employé de même qu'un canon S-60 AZP sur camion, un canon 2A7 de 23 mm sur pick-up Land Cruiser et des groupes de combat avec PKM, RPG-7, ainsi qu'un tireur d'élite sur M-16 à lunette. Un autre reportage photo montre les combats à al-Kashmah, à 45 km au nord-ouest d'al-Boukamal, au sud de Mayadin : l'EI y détruit un char T-90 et tue plusieurs combattants du régime syrien.









Obusier D-20 sur camion de l'EI. Le servant à gauche semble être un adolescent

















Des habitants d'Al-Boukamal témoignent qu'ils sont du côté de l'EI, pour la propagande.


T-90 détruit par l'EI près d'al-Kashmah.




L'EI publie de nouvelles photos des combats à al-Boukamal le 17 novembre. Un lance-missiles antichars Fagot monté sur un pick-up Toyota Hilux ouvre le feu de même qu'un autre lance-missiles antichars Konkurs/Fagot placé au sol (à moins que ce ne soit le même). Un bulldozer est incendié ainsi qu'un véhicule léger iranien Safir. La chaîne du Hezbollah quant à elle diffuse une vidéo où l'on peut voir une batterie de canons de 105 mm M101A1 (iraniens) probablement manoeuvrés par des Hazaras de Liwa Fatemiyoun, qui fait feu sur al-Boukamal. Un Safir avec Type 63 précède une colonne de combattants. Dans un bâtiment, des fantassins se préparent à l'assaut. L'un d'entre eux porte l'écusson de manche d'Asaib Ahl al-Haq, confirmant la présence de la milice chiite irakienne dans les combats. Un Mi-17 du régime syrien est aperçu en vol. On voit ensuite les positions d'artillerie à l'extérieur de la ville : BM-21, D-30, 2S1, D-20, lanceurs IRAM... il y a également de nombreux véhicules avec drapeaux du Hezbollah, dont plusieurs technicals armés de canons de 37 mm. Le drapeau de Liwa Fatemiyoun est encore une fois visible. La caméra filme aussi le Safir détruit par le lance-missiles antichars de l'EI. La Russie engage de nouveau 6 TU-22M3 pour bombarder les positions de l'EI à al-Boukamal avec des bombes FAB-500.

Ces obusiers de 105 sont très probablement servis par des Afghans de Liwa Fatemiyoun.







Drapeau de Liwa Fatemiyoun.









Le 18 novembre, la chaîne militaire du Hezbollah publie toute une série de vidéos montrant les combats de rues dans al-Boukamal. La première permet de voir que les chars et véhicules blindés BMP-1 sont déjà entrés dans la ville. Les fantassins du Hezbollah, casqués et lourdement armés, progressent dans les rues situées près d'une station électrique, dans la partie nord de la ville. On peut observer que comme chez l'EI d'ailleurs, l'équipe média du Hezbollah comprend deux opérateurs, l'un des deux étant filmé par son collègue pendant la séquence. En combats de rues, le Hezbollah emploie un ZU-23 sur Land Cruiser pick-up en tir tendu. La caméra filme d'ailleurs un combattant de l'EI pris sous les tirs du Hezbollah. Un mitrailleur PKM du groupe libanais tire à travers une meurtrière creusée dans un mur de bâtiment. Depuis les toits, les combattants du Hezbollah tirent aussi avec leurs mitrailleuses PKM ou leurs RPG-7. Pour ouvrir les portes, le Hezbollah utilise des charges explosives. La deuxième vidéo du jour se situe toujours pour partie au niveau de la station électrique. Une Jeep Wrangler avec canon sans recul de 106 et un Land Cruiser pick-up avec ZU-23 sont installés près d'un groupe de combattants du Hezbollah. Le groupe libanais montre quelques documents capturés : une carte d'identité pour un médecin militaire, Abou Talal, de Ramadi, qui a le droit de porter une arme, document délivré par le département de la médecine de la wilayat al-Anbar. Un autre document semble être un laissez-passer pour entrer à Mossoul. La troisième vidéo filme visiblement des combattants de Liwa Fatemiyoun qui manoeuvrent à l'intérieur de la ville. On peut voir aussi un bulldozer dans une opération de terrassement, puis un Hilux pick-up avec KPV ouvrir le feu. Un Land Cruiser pick-up avec ZU-23 est encore utilisé en tir tendu. Dans la quatrième et dernière vidéo jour, le Hezbollah montre ses lance-roquettes artisanaux montés sur véhicule ouvrir le feu depuis l'extérieur d'al-Boukamal. Dans un des groupes de combat engagés dans les combats de rues, un des fantassins porte un lance-roquettes qui ressemble à un RPO-A Shmel russe, mais qui est peut-être un MRO-A ; en tout cas visiblement une arme thermobarique, que l'on voit plusieurs fois portée par des combattants du Hezbollah. Un mitrailleur PKM fournit un tir de suppression pour couvrir la progression de son groupe de combat. Le Hezbollah met aussi en oeuvre un fusil anti-matériel iranien AM 50. Depuis l'extérieur de la ville, le groupe est soutenu par le tir d'un BM-21 Grad, d'un automoteur d'artillerie 2S1, et de canons de 105 mm qui appartiennent certainement à Liwa Fatemiyoun. Le ZU-23 sur Land Cruiser pick-up continue d'être employé en tir tendu. Un lance-roquettes Type 69 positionné sur un toit ouvre le feu. Un canon 2A65 de 152 mm (modèle apparu en Syrie après l'intervention russe de septembre 2015 : impossible de dire ici si les servants sont syriens ou russes...) entre aussi en action à l'extérieur de la ville de même qu'un D-30 (122 mm) sur camion du Hezbollah. La caméra s'attarde sur des véhicules détruits dans les rues, dont un bulldozer. Le Hezbollah capture des stocks d'armes de l'EI (mitrailleuses lourdes), un pod de roquettes pris sur un hélicoptère ou une base aérienne et plusieurs véhicules kamikazes intacts, probablement saisis dans un petit atelier de fabrication. En plus de faire sauter les portes à l'explosif pour les assauts de bâtiment, le Hezbollah creuse aussi des brèches dans les murs avec le même procédé, ou parfois à la masse. Les fantassins du Hezbollah sont appuyés par un MT-LB. Ce jour-là, la Russie participe à la bataille en envoyant 6 TU-22M3 bombarder les positions de l'EI à al-Boukamal, escortés par des Su-30SM décollant de la base de Hmeymin près de Lattaquié.





Fusil anti-matériel AM 50 iranien (12,7 mm) servi par le Hezbollah.






Canon 2A65 de 152 mm. Difficile de dire s'il est servi par des Russes ou des Syriens...



Abou Talal, médecin militaire de Ramadi, ayant le droit de porter une arme, wilayat al-Anbar, département de la médecine.



Les TU-22M3 russes continuent de larguer leurs bombes sur al-Boukamal.


L'EI finit par évacuer al-Boukamal le 19 novembre. La chaîne du Hezbollah publie encore une vidéo des combats de rues. On y voit un lanceur IRAM monté sur pick-up en action, puis une batterie de mortiers moyens et une autre de mortiers légers. Dans un des groupes de combat du Hezbollah, un des fantassins transporte une masse pour abattre les cloisons. Un char T-72 (ave un blindage renforcé autour de la tourelle assez rare) est engagé dans les combats de rues, de même qu'un BMP-1 avec blindage cage autour de la tourelle portant le fanion du Hezbollah. Pour nettoyer l'intérieur d'un bâtiment avant un assaut, un des groupes de combat emploie une grenade artisanale. Le Hezbollah utilise aussi un canon sans recul SPG-9 sur trépied installé sur un toit. Les dernières vidéos du Hezbollah, les 19-20 novembre, s'attardent sur la présence du chef de la force al-Qods iranienne, Qasseim Soleimani, parmi les combattants étrangers qui ont repris la ville. Soleimani était venu superviser le second assaut sur al-Boukamal après l'échec des 8-11 novembre. L'EI montre tout de même, le 19 novembre, un reportage photo avec une frappe de drone armé -une première depuis longtemps. Le lendemain, un reportage montre le bombardement au mortier des positions du régime au sud de Mayadin. Un autre reportage montre les combats à al-Kashmah, tandis qu'un troisième renseigne sur le bombardement d'Hamdan, au nord-ouest d'al-Boukamal, par des roquettes et un canon M-46 de 130 mm. Une vidéo Amaq assez longue filme un assaut au sud de Mayadin avec des moyens conséquents côté EI : 2 BMP-1 sont détruits avec des missiles antichars, un autre est capturé de même qu'un char T-90. Un combattant du régime capturé est exécuté sur place. A Al-Ashayir, au nord d'Al-Boukamal, l'EI déploie un de ses derniers BMP-1 (numéro 255), des pièces lourdes montées sur camion (dont un AZP S-60 de 57 mm) et des combattants d'élite type inghimasiyyi, le 21 novembre.



















Qassem Soleimani, le chef de la force al-Qods, sur le front d'al-Boukamal.
Le bilan humain de la bataille est plus facile à dresser du côté du régime, bien qu'il soit forcément incomplet. Le Hezbollah a laissé au moins 15 tués pour reprendre al-Boukamal ; 28 Syriens du Hezbollah ont également péri. Kataib Hezbollah compte au moins 5 tués, Liwa al-Quds 5 tués également. Les pertes de Liwa Fatemiyoun sont difficiles à estimer mais plusieurs tués ont été honorés par le groupe via des posters de propagande. Ali Alfoneh comptait 16 morts afghans au mois de novembre au 27 de ce mois. Il semblerait que 5 Afghans aient été tués dans les combats d'al-Boukamal. L'Iran déplore la perte d'au moins 5 tués dans la bataille : certains de ces hommes servaient de conseillers militaires auprès des forces du régime syrien ou de ses combattants étrangers, ou bien auprès des miliciens chiites irakiens. On compte toutefois le décès d'un général des Pasdarans, Khayrullah Samadi, proche de Qassem Soleimani, mortellement blessé par un tir de mortier de l'EI le 16 novembre ; et celui de Alireza Nazari, un autre officier supérieur des Pasdarans tué dans la bataille. Le corps expéditionnaire en Syrie de Kataib al-Imam Ali perd 5 morts dans la bataille. Harakat Hezbollah al-Nujaba n'a pas signalé de pertes. Côté EI, les chiffres sont beaucoup plus difficiles à déterminer : plusieurs sources parlent de plus de 100 tués, sans qu'il soit possible de confirmer.

Khayrullah Samadi.

Alireza Nazari.


Les 5 tués de Kataib al-Imam Ali.
Gaz Tigr et soldats russes à al-Boukamal.
 
Le contingent d'Harakat Hezbollah al-Nujaba dans la bataille d'al-Boukamal.







Un Afghan de Liwa Fatemiyoun tué pendant la bataille d'al-Boukamal.
Funérailles de combattants de Kataib Hezbollah à Damas (17 novembre). Sont-ils tombés pendant la bataille d'al-Boukamal ?



En guise de conclusion, on peut observer que la bataille pour reprendre al-Boukamal, côté régime syrien, a surtout été le fait de ses combattants étrangers : le Hezbollah libanais, qui a soutenu le gros des combats, appuyé par Liwa Fatemiyoun ; on note aussi la présence assez forte des milices chiites irakiennes, ce qui ne saurait surprendre, puisque la plupart combattent aussi en Syrie et sont alignées sur l'Iran. L'Iran est également présent, par le biais de des conseillers militaires des Pasdarans, et la Russie fournit un soutien aérien avec peut-être une présence réduite au sol. L'EI, quant à lui, aura déployé des moyens assez conséquents, parvenant à briser un premier assaut sur la ville, avant de résister quelques jours face à la nouvelle offensive, puis de se retirer pour combattre plus au nord. La défense antichar mise en ligne par le groupe est particulièrement remarquable. Reste à savoir pourquoi il a déployé une telle résistance à al-Boukamal.

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