L'histoire se centre ici sur Adam, un jeune du quartier des Izards à Toulouse, qui passe ses journées à jouer à GTA, jeu vidéo célèbre, avec des amis dont l'un est impliqué dans le trafic de drogue du quartier. Fils d'une Roumaine orthodoxe et d'un Algérien musulman qui a quitté le domicile familial, Adam ne se voit aucune perspective, que ce soit chez lui ou au lycée, dans la plâtrerie (sans doute en CAP). Il invite chez lui Abraim, qu'on devine avoir basculé dans une interprétation déjà radicale de l'islam. Abraim fait découvrir à Adam une version pirate de GTA, orientée Etat islamique. Adam finit par considérer les attentats de Paris comme son jeu vidéo... il s'isole de sa famille, de ses amis - dont le dealer qui lui rappelle qu'Abraim était lui-même impliqué dans le trafic de drogue avant sa "conversion"-, commence à consulter des sites radicaux en ligne. Adam se rend ensuite dans une salle de sport, sur invitation d'un certain Jani, qui recrute en réalité des candidats au djihad. La salle de sport permet à ces recrues d'entendre et d'approuver un discours antisémite et complotiste, préalable à l'entraînement physique (combats de paintball en forêt). Adam visionne chez lui des vidéos sanguinolentes de l'Etat islamique (une de décapitation d'otage qui fait penser à celle de l'exécution de James Foley, bien qu'on soit après les attentats de Paris alors que celle-ci a lieu en août 2014). La sanction ne tarde pas : la police vient arrêter Adam chez lui à l'aube. En prison, Adam rencontre Jamel, un dealer de Toulouse qui lui explique que les recruteurs l'ont pris pour un imbécile. Catalogué comme djihadiste par les autres prisonniers, dont les salafistes qui lui font les yeux doux, et les gardiens qui l'abreuvent de leur mépris, rejeté par sa famille (sa mère et sa soeur), Adam découvre par hasard à la bibliothèque de la prison les oeuvres de Romain Gary. Lesquelles lui permettent de renouer la parole avec sa famille, de parler à la psychologue de la prison, ce qui le fait rejeter par les salafistes. Il est finalement transféré à sa demande dans un Quartier d'Evaluation de la Radicalisation à Fresnes, puis revient à celle de Béziers. Ayant perdu toute illusion sur cette cause ralliée par désoeuvrement, Adam s'interroge sur son avenir.
Par rapport à Citra et Chamira, Adam est en noir et blanc : c'est bête à dire, mais cela donne moins de vivacité au propos. En revanche, cette fois, pas de "monstrualisation" des personnages liés au djihadisme, ce qui est appréciable. L'histoire est en revanche bien plus courte en nombre de pages. Si le lexique djihadiste semble couvrir assez bien les termes utilisés, cette fois, on regrette que tous les termes de l'argot des cités ne soit pas forcément expliqué : pour le non-initié, cela peut être rebutant. Le hic de l'histoire est peut-être de faire croire que les djihadistes ne seraient que des "désoeuvrés" issus des quartiers défavorisés et tombés sous l'influence de recruteurs habiles à exploiter les failles (le poncif du jeu vidéo est un peu éculé). Malheureusement, les choses sont un peu plus complexes : si beaucoup de djihadistes sont à chercher dans des quartiers de banlieue, l'échantillon français est loin de recouvrir uniquement ce cas, comme l'avait montré David Thomson en son temps dans ses deux ouvrages. De la même façon, si d'anciens délinquants ont effectivement basculé dans le djihad, ce n'est pas seulement par simple opportunisme : certains y cherchent une vraie rédemption, que l'Etat islamique, par exemple, saura exploiter dans sa propagande pour attirer les recrues. Le facteur idéologique est donc ici un peu oublié. A côté du djihad de désoeuvrement, il y a bien un djihad de conviction - on retombe sur ce que je disais dans ma fiche de lecture précédente.
Comme dans Citra et Chamira, le dossier pédagogique en fin de volume pèche à certains endroits. La liste des attentats commis depuis 2012, p.71, par exemple, ne différencient pas entre ceux commis par le djihadisme ou d'autres (l'assassinat des 3 militantes kurdes à Paris en janvier 2013 : voir le livre de référence que j'avais fiché ici). On retrouve les mêmes erreurs que dans l'autre volume (Falloujah, ville syrienne, ; l'EI contrôle Homs ; fin du territoire en Syrie en mai 2018 avec la chute de la poche du Yarmouk au sud de Damas, ce qui est faux, p.74-75). C'est d'autant plus dommage que ce roman graphique et l'autre ont reçu le soutien du CIDR. A chaque fois, les mêmes erreurs factuelles que j'ai relevées sont répétées, et quelques autres sont présentes individuellement dans chaque volume. L'intérêt pédagogique, notamment pour les enseignants, s'en trouve donc singulièrement diminué.
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