Les chapitres centraux sont sans doute les meilleurs du livre. Adair explique comment Staline et la Stavka en sont venus à choisir comme axe de l'effort la Biélorussie, en écartant les trois autres options possibles, mais il ne faut pas oublier que Bagration s'intègre dans un moment offensif qui couvre tout le front de l'est, en 5 phases (Carélie-Biélorussie-deux attaques dans le sud de la Pologne-Roumanie) étalées entre juin et août 1944. Les mesures d'intoxication soviétiques, baptisées maskirovka dans l'Armée Rouge, et qui furent d'une grande importance pour dissimuler aux Allemands la région visée par l'offensive, font l'objet d'un chapitre à elles seules. A noter aussi celui consacré aux partisans, relativement développé par rapport à la taille de l'ouvrage et qui fait bien le point, contrairement à beaucoup d'autres livres qui éludent un peu la question.
Adair procède ensuite à la description de l'opération Bagration elle-même en combinant les approches géographiques (les différents secteurs d'attaque) et chronologiques (percée, exploitation, retraite allemande). En conclusion, il rappelle combien Bagration marque à la fois le succès de la maskirovka soviétique et de la concentration des forces réalisée par l'Armée Rouge pour enfoncer le front allemand. Il insiste peut-être un peu trop sur la responsabilité d'Hitler, qui par son entêtement accélère le désastre, mais n'est en rien le facteur principal de l'échec allemand. L'Armée Rouge est bien devenue un instrument de combat largement supérieur à la Wehrmacht. En revanche, on peut le suivre quand il pointe la faiblesse que constitue les coupes dans l'approvisionnement en essence côté allemand, qui commence alors à avoir des conséquences dramatiques sur les opérations militaires, à l'est comme à l'ouest. De même lorsqu'il mentionne l'apport logistique fourni aux Soviétiques par le Lend-Lease, et notamment celui des camions tout-terrain américains (Studebaker, Dodge, sans parler des Jeeps) qui permettent pour la première fois à l'Armée Rouge de véritablement conduire une bataille en profondeur telle que pensée par l'art opératif soviétique.
L'Armée Rouge a su également réduire le différentiel entre blindés, par la sortie de nouveaux matériels et l'instruction poussée des équipages, pour certains déjà expérimentés ; de la même façon, l'aviation à l'étoile rouge domine le ciel, la Luftwaffe étant occupée au-dessus du Reich et à l'ouest, et rivalise de mieux en mieux avec les restes des Experten. Au total, les Allemands laissent dans Bagration près de 30 divisions et au moins 300 000 hommes (chiffre reconnu par l'OKH), encore que le décompte exact soit relativement difficile à établir. Et pour la première fois, les pertes soviétiques sont inférieures, quoiqu'encore assez lourdes : 178 000 hommes, soit 8% du total engagé, alors que les Allemands perdent près de la moitié de leurs hommes. Bagration est donc bien la plus grande catastrophe à l'est pour la Wehrmacht, accélérant l'effondrement de l'Allemagne nazie. En ce sens, Adair répond bien à l'affirmation portée par le titre de son ouvrage.
En annexes, l'auteur a disposé les ordres de bataille, les statistiques des pertes humaines soviétiques (inédites à l'époque, les archives commençant tout juste d'être exploitées par les Russes) et les ordres pour la maskirovka et ceux d'Hitler concernant Bagration. On trouvera aussi une bibliographie annotée. Des cartes de situation sont placées au fil du livre mais elle ne permettent pas trop de suivre, surtout, les différentes phases de Bagration. Deux livrets photos illustrent l'ensemble mais comportent essentiellement des portraits des officiers impliqués et quelques rares photos des combats. Au final, c'est une synthèse, maintenant un peu ancienne, mais qui peut servir comme bon point de départ à l'opération Bagration.
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