" Historicoblog (4): Gregg ADAMS et Steve NOON, Belleau Wood 1918. US Marine versus German Soldier, Combat 32, Osprey, 2018, 80 p.

mardi 27 août 2024

Gregg ADAMS et Steve NOON, Belleau Wood 1918. US Marine versus German Soldier, Combat 32, Osprey, 2018, 80 p.

 

 

Auteur : Gregg Adams pour le texte et Steve Noon pour les illustrations. Adams est un Américain, qui n'est pas historien de formation puisqu'il a un doctorat de physique. Il a écrit des titres de la collection Combat, dont celui-ci, pour les éditions Osprey, bien connues des passionnés d'histoire militaire. La série combat s'intéresse à deux types de combattants se faisant face dans un engagement précis, comme ici le Bois Belleau, avec le Marine et le soldat allemand en 1918. Steve Noon est un illustrateur britannique qui a déjà travaillé pour plusieurs dizaines de volumes Osprey.


Place du livre dans l'historiographie : la bataille du Bois Belleau a été évidemment bien couverte en anglais par des auteurs américains, pour la plupart, en particulier issus du corps des Marines. En français, seuls deux ouvrages traitent de la bataille dont un paru seulement l'année dernière qui est une traduction d'un mémoire allemand paru après la Première Guerre mondiale. L'autre, de Jean-Michel Steg, sorti la même année que l'ouvrage examiné ici, ne donne qu'un aperçu succint de la bataille -il se concentre sur d'autres aspects- et manque par ailleurs cruellement de cartes. L'ouvrage Osprey peut donc constituer une bonne entame sur la question pour le néophyte.


Résumé de l'ouvrage : Après une introduction mettant en place le contexte (on appréciera la carte générale sur l'offensive Blücher p.7), Adams détaille les forces en présence de part et d'autre. Côté Marines, les deux régiments qui participent à la bataille, les 5ème et 6ème, sont créés avec une portion réduite d'encadrement du corps des Marines, en particulier le 6ème régiment qui compte une grande proportion de volontaires avec un niveau d'études conséquent par rapport à la moyenne. Incorporés dans la 2ème division d'infanterie de l'armée, les Marines reçoivent un équipement français et britannique pour l'essentiel, jusqu'à l'artillerie. Toutefois, malgré la lecture des manuels tactiques français revus depuis 1914, les Marines vont avoir tendance à se comporter comme les armées du début de la guerre sur l'aspect tactique. Côté allemand, les forces sont plus expérimentées : les divisions, plus réduites en effectifs, comprennent davantage de mitrailleuses. Mais pour l'offensive de 1918, le schéma traditionnel de défense sur des positions préparées change pour l'attaque : les Allemands ont concentré les meilleurs éléments dans certaines unités, ce qui se voit dans la composition du 4ème corps de réserve qui va faire face aux Marines : seules 2 divisions sur 5 sont du modèle offensif, les 3 autres étant destinées à la défensive. Peu d'obus à gaz seront utilisés sur le champ de bataille, les Allemands rationnant leurs obus, mais une attaque de grande ampleur emploie toutefois 7 000 obus de gaz moutarde dans la nuit du 13 au 14 juin. Les Américains n'en utiliseront quasiment pas car les Français ont préféré réservé les obus chimiques à leurs batteries plus expérimentées. Sur le plan du commandement, les Marines vont rapidement adopter une direction très décentralisée sur le champ de bataille, à l'image des Allemands. Les communications reposant sur le téléphone à fil seront rapidement perturbées, et les agents de liaison et coureurs ralentiront la transmission des ordres. Sur le plan logistique, les Allemands sont désavantagés : leur train a du mal à suivre, manquant de motorisation, les obus sont rationnés, la nourriture est rare, et le matériel n'est pas remplacé. C'est tout l'inverse pour les Marines. Le moral de ces derniers est par ailleurs élevé : en plus de la fierté de corps intrinsèque, il y a l'envie de faire ses preuves.


Adams décrit dans la partie suivante la première attaque de la 4ème brigade de Marines, le 6 juin 1918. Là encore, on apprécie la carte précise p.31 pour suivre l'assaut. Un reproche parfois sur les photos d'époque du terrain, parfois un peu petites pour apprécier la configuration des lieux. Adams explique bien comment les Marines, chargeant sans préparation d'artillerie, par vagues successives, sur une position mal reconnue (le Bois Belleau, Bouresches), subissent des pertes énormes du fait des mitrailleuses allemandes, ce qui est bien illustré par la double page en couleur p.38-39. En une journée, les Marines perdent plus d'un millier d'hommes. L'attaque des 11-12 juin (là encore illustrée par une très bonne carte p.47) connaît un peu plus de succès : les Marines ont commencé à modifier leur tactique d'assaut, même si la préparation d'artillerie est trop courte, mais bénéficient du brouillard qui couvre le champ de bataille et frappent sans le savoir à la jonction de deux unités allemandes, ce qui leur permet de s'emparer de la moitié sud du bois. Toutefois les pertes sont encore très élevées et l'objectif final, s'emparer du bois, n'est toujours pas atteint. Il faudra attendre l'attaque des 23-25 juin (mis en image avec une carte très claire p.63 de nouveau) pour que les Marines emportent la décision. Relevés pendant un temps par le 7ème régiment de la 3ème division d'infanterie américaine, les Marines, reconstitués et rééquipés, vont reculer pour laisser place, à l'aube du 25 juin, à un impressionnant barrage d'artillerie qui pulvérise les positions allemandes au nord du bois Belleau, qui est définitivement pris le 26 juin avec des pertes beaucoup moins lourdes.


En conclusion, Adams souligne combien la bataille a montré aux Allemands, expérimentés, que les Américains, et notamment les Marines, étaient des combattants à respecter, ce qui a entraîné une baisse significative de leur moral. La bataille a souvent été fonction du commandement : ainsi l'officier allemand responsable de la défense initialement au sud du bois, vétéran de l'Afrique orientale, avait organisé un dispositif adapté qui a coûté cher aux Marines le 6 juin. Quand une autre division vient l'épauler et ne tient pas compte de ses recommandations, les Marines percent les 11 et 12 juin malgré une faible préparation d'artillerie. La maturité tactique n'arrive finalement pour ceux-ci que dans l'attaque finale, après encore bien des tâtonnements. L'auteur souligne bien que les Marines n'ont pas sauvé Paris, ni battu définitivement l'armée allemande : mais l'engagement américain a eu un impact à ce moment-là, positif pour les Français notamment, et négatif pour les Allemands, qui ont été surpris de la ténacité des Américains et ont vu leurs perspectives s'assombrir par rapport aux objectis posés par leur grande offensive lancée en mars 1918.


Sources utilisées : l'auteur emploie un panel de 25 sources : des témoignages de Marines, notamment d'officiers ou sous-officiers qui ont ensuite gravi les échelons dans le corps et qui ont fini à des postes élevés, des ouvrages d'historiens américains, et quelques autres titres des éditions Osprey. Un petit classement interne de la bibliographie entre ces catégories ne seraient pas superflues.


Illustrations : beaucoup de photos en noir et blanc bien commentées, même si comme cela a été dit celles illustrant le paysage sont parfois trop petites ; 4 cartes, une stratégique et 3 tactiques, utiles et bien lisibles. Si l'illustration p.38-39 m'a semblé pertinente, c'est moins le cas pour celle p.50-51 représentant l'assaut du 11-12 juin : il en aurait peut-être fallu une sur l'assaut final plutôt. En revanche beaux profils du Marine et du fantassin allemand p.14-15 et 18-19 avec tout l'équipement décrit, ce qui est un plus.


Conclusion (points positifs/points négatifs) : un bon livre d'introduction sur la bataille du Bois Belleau, notamment sur les aspects militaires, tactiques, armement, moral, etc. De ce point de vue il est plus utile que l'ouvrage de Jean-Michel Steg qui a tendance à se focaliser sur des aspects plus larges, le pourquoi de l'entrée en guerre des Etats-Unis, son résultat... tout cela est traité plus succinctement ici, mais encore une fois, ce n'est pas à proprement parler le but du livre. Je n'avais lu je crois, de mémoire, qu'un seul autre volume de la collection Combat d'Osprey, que j'avais déjà trouvé fort intéressant, celui-là confirme.

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