La collection Campaign des éditions Osprey, bien connues des aficionados d'histoire militaire, présente, dans un format de 96 pages, les grandes batailles de l'histoire. Ici, il s'agit de la campagne autour de la ville de Chattanooga, entre septembre et novembre 1863, épisode bien moins connu de la guerre Sécession que d'autres batailles et qui pourtant a une importance considérable sur le théâtre d'opérations ouest.
L'auteur est Mark Lardas, un diplômé en architecture et génie naval, qui a travaillé dans le domaine de la construction spatiale, "historien amateur" selon la présentation même d'Osprey. Il n'est donc pas à proprement parler spécialiste de la guerre de Sécession ni du théâtre en question. Le livre est illustré par Adam Hook, un habitué des éditions sur ce plan.
La campagne de Chattanooga est le résultat d'une bataille précédente : Chickamauga, les 19 et 20 septembre 1863, où l'armée confédérée du Tennessee de Bragg défait l'armée nordiste du Cumberland de Rosecrans. En pleine déroute, les nordistes sont sauvés par le commandant du 14ème corps, le général Thomas, qui parvient à conserver la ville de Chattanooga. L'emplacement est stratégique pour le nord : non seulement Chattanooga peut servir de tremplin pour une invasion de la Géorgie et Atlanta, mais connecte aussi le Nord à l'est du Tennessee, unioniste, où la ville de Knoxville est assiégée également par les confédérés. Premier défaut du livre d'ailleurs : la seule carte générale de la campagne, p.4, n'est pas suffisante à elle seule car on ne voit pas justement l'ensemble du théâtre des opérations dont Knoxville. Le secrétaire d'Etat à la guerre de l'Union, Stanton, voyant que Rosecrans ne prend pas d'initiative, envoie en renfort 2 corps de l'armée du Potomac dirigés par le général Hooker, et demande à Grant, qui commande l'armée du Tenneesse, d'en envoyer 2 autres sous le commandement de Sherman. Finalement, Lincoln fait de Grant, début octobre, le commandant de théâtre, manoeuvrant l'armée du Cumberland, celle du Tennessee et les 2 corps de l'armée du Potomac. En 3 mois, Grant casse le siège de Chattanooga et jette les bases de la prise d'Atlanta par Sherman et de sa "marche à la mer", tout en préparant sa prise de commandement de l'armée du Potomac en 1864 au vu des qualités dont il a fait preuve dans cette campagne.
Après la traditionnelle présentation des chefs (Grant, Thomas, Sherman, Hooker, et Smith, le chef du génie de l'armée du Cumberland qui aura un rôle clé, pour les nordistes ; et Bragg, Longstreet, Hardee, Breckinridge et Wheeler pour les confédérés) , l'auteur décrit rapidement les 2 armées en présence. Côté nordiste, une bonne partie des effectifs proviennent du Kentucky, Etat esclavagiste rallié à l'Union, et du Tennessee, Etat membre de la confédération mais dont tout une partie reste fidèle au Nord. L'armée du Cumberland a été formée fin 1861 avec des troupes venant des Etats autour du lac Michigan. Elle a combattu sur le front ouest, de Shiloh à Chickamauga, où sa défaite est plus celle du commandement que des hommes. L'armée du Tenneesse de Grant est celle qui a connu le plus de succès depuis 1861. Ses 5 corps d'armée recrutent aussi autour du lac Michigan mais également dans les Etats de la frontière (Iowa, Missouri, Minnesota). Les renforts envoyés à Chattanooga sont parmi les meilleurs de l'armée, auréolés de la prise de Vicksburg. Les 2 corps de l'armée du Potomac commandés par Hooker, les 11ème et 12ème, sont rattachés à l'armée du Cumberland. Le 11ème corps avait particulièrement souffert à Chancelorsville, puis à Gettysburg, comme le 12ème. Les échecs étaient plus dus là encore selon l'auteur à des fautes de commandement et à un concours de circonstance qu'à la valeur des hommes à proprement parler. Le 11ème corps a la particularité d'avoir un recrutement très prononcé dans la communauté allemande émigrée aux Etats-Unis. L'armée du Tenneesse confédérée est l'ancienne armée du Mississipi, dont Bragg a pris le commandement juste après la bataille de Shiloh. Bragg n'a pas été très heureux par le passé lors de deux incursions dans le Kentucky. Il aura fallu le renfort du 1er corps de l'armée du Virginie du Nord pour remporter la bataille de Chickamauga. Bragg, très cassant avec ses subordonnés, remplace un commandant de corps (Polk) après la bataille et met à la tête de sa division de cavalerie Joseph Wheeler, laissant le pourtant très redoutable Forrest sans emploi, ce qui n'est pas sans laisser dubitatif. En outre, si l'armée confédérée est bien équipée, le ravitaillement laisse à désirer et les pertes en hommes sont difficiles à combler dans les régiments. La cavalerie confédérée, plus nombreuse que son homologue, est moins bien armée mais se montre très utile lors de raids, isolant Chattanooga de tout ravitaillement par le nord, alors que l'infanterie maintient le siège à l'est et au sud. Plutôt que l'ordre de bataille détaillé de chaque armée, on aurait apprécié ici un peu plus de pages, justement, quant à l'armement respectif des deux armées et d'autres considérations sur la composition des troupes, qui manquent un peu.
Bragg fait le choix d'éviter l'assaut frontal et d'affamer la garnison de Chattanooga, en menaçant les voies ferrées et en interdisant le trafic sur le Tennessee, qui borde la ville. Grant, à l'inverse, cherche à ouvrir une nouvelle voie de ravitaillement : l'importance de la logistique ne lui a jamais échappé, ce qui en fait un des meilleurs généraux de cette guerre de plus en plus moderne. Son plan est d'ouvrir un passage terrestre plus court entre deux descentes de ferrys sur le Tennessee, afin de raccourcir la distance parcourue pour le ravitaillement. Une fois le ravitaillement assuré, Grant compte déloger l'armée confédérée autour de Chattanooga par des manoeuvres, et si possible la détruire intégralement.
Bragg laisse le temps à Thomas de se retrancher dans Chattanooga, même si il lance Wheeler dans un raid de cavalerie au nord de la ville qui détruit plusieurs centaines de wagons de ravitaillement. Une fois arrivé sur place, Grant se rallie au plan du chef du génie de l'armée du Cumberland, Smith, qui propose de raccourcir le ravitaillement en s'emparant de la péninsule formée par la boucle du Tennessee à l'ouest de Chattanooga, qui comprend Raccoon Mountain et Lookout Valley, et des deux débarcadères de ferry de part et d'autre de la boucle, Brown's Ferry et Kelley's Ferry. Grant envoie les deux corps de Hooker et une partie du 4ème corps s'emparer de Brown's Ferry, le plus proche des deux débarcadères à l'ouest de Chattanooga, et de Lookout Valley. C'est chose faite le 27 octobre et les nordistes se fortifient à Wauhatchie, dans la Lookout Valley. Longstreet, qui tient le front à cet endroit, lance une attaque sur Wauhatchie les 28 et 29 octobre en tentant de tronçonner les forces fédérales pour mieux les détruire : mais suite à un repli prématuré de la brigade de Law, au sein de la division de Hood qui mène l'attaque, l'occasion est manquée. Les nordistes sont désormais retranchés dans la Lookout Valley et tiennent les deux débarcadères, ouvrant la ligne de ravitaillement baptisée "Cracker Line". A ce moment-là, il est sûr ou presque que l'Union peut remporter la campagne. Bragg, au lieu d'abandonner le siège, envoie le corps de Longstreet et la division de cavalerie de Wheeler au siège de Knoxville, ne maintenant que 2 corps d'armée autour de Chattanooga. Grant, lui, qui a déjà utilisé les 2 corps de l'armée du Potomac, attend encore l'arrivée des 4 divisions de Sherman. Il veut frapper la droite des confédérés, à l'est de Chattanooga, sur Missionary Ridge, et ramène pour se faire le 11ème corps de Hooker sur ce front depuis la Lookout Valley. Le 23 novembre, 14 000 hommes se déploient pour attaquer Orchard Knob, une éminence située au devant de Missionary Ridge où les confédérés n'ont laisser que des piquets de surveillance. Croyant avoir à faire à une simple démonstration de force, les confédérés sont pris par surprise et Orchard Knob est rapidement pris. Le soir même, Sherman entame la traversée du Tennessee pour venir renforcer une nouvelle attaque que Grant veut décisive sur Missionary Ridge. Pour faire diversion, Grant lance Hooker sur Lookout Mountain : c'est la "bataille dans les nuages", où les nordistes réussissent à déloger les confédérés, en infériorité numérique, du sommet. Le 25 novembre, Grant lance 60 000 hommes contre 36 000 confédérés sur Missionary Ridge : il espère déborder la position par les deux flancs, mais au nord, Sherman se heurte à la division de Cleburn, bien retranchée sur Tunnel Hill, et au sud, Hooker progresse trop lentement sur le champ de bataille. La décision vient du centre : devant au départ faire diversion, les hommes des 4ème et 14ème corps, stationnés au pied de Missionary Ridge, montent à l'assaut et provoquent la retraite des confédérés en face d'eux et de toute la ligne. Hooker arrive à ce moment par le sud, achevant la déroute des sudistes. Seule la division de Cleburn se retire en bon ordre. Les confédérés laissent entre 4 000 et 6 000 prisonniers, 42 canons, 7 000 fusils et des quantités de munitions et de matériel. Bragg n'a d'autre choix que d'ordonner la retraite sur la Géorgie. Cleburn tient la passe de Ringgold Gap le 27 novembre pour protéger la retraite, tandis que la cavalerie sudiste couvre les flancs : l'armée du Tenneesse échappe ainsi à la destruction. Grant stoppe la poursuite et choisit d'aller libérer Knoxville de son siège.
Les illustrations d'Adam Hook, assez figées, ne sont pas les meilleures chez les éditions Osprey (ici l'assaut sur Missionary Ridge le 25 novembre 1863). |
La défaite de Chattanooga coûte enfin son poste à Bragg : Jefferson Davis le remplace par un de ses commandants de corps, Hardee, qui refuse, et finalement Joseph Johnston prend le commandement. Longstreet sera défait devant Knoxville et repartira avec son corps vers l'armée de Virginie du Nord. Grant deviendra le commandant de l'armée nordiste et emmènera avec lui dans l'armée du Potomac les subordonnés compétents de la campagne, Smith et Sheridan. Sherman dirigera les opérations de l'armée du Tenneesse et de celle de Cumberland, jusqu'à la prise d'Atlanta et la "marche à la mer". Il aura avec lui les 11ème et 12ème corps de Hooker fusionnés dans un nouveau 20ème corps d'armée. Thomas, qui avait assuré la défense de Chattanooga, avait paru trop timoré à Grant qui ne lui laissera que le commandement de l'armée du Cumberland, sans autre promotion.
Historien amateur, Mark Lardas s'est appuyé uniquement sur un ouvrage savant de Peter Cozzens (en tout cas c'est le seul qu'il cite en bibliographie), sur les rapports et témoignages d'époque ou écrits après le conflit. C'est un peu léger au vu de la bibliographie historienne disponible (et rien que les livres, sans parler des articles) ce qui explique sans doute les faiblesses discernables à la lecture. Par ailleurs, le manque de cartes illustrant l'ensemble du théâtre des opérations se fait sentir, alors même que les batailles de la campagne sont correctement illustrées chacune par une carte détaillée. Les illustrations d'A. Hook, assez figées, ne sont pas les meilleures que l'on trouve chez cet éditeur. L'ouvrage reste une introduction correcte pour le profane, mais sans plus.
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