" Historicoblog (4): Ben DAN, L'espion qui venait d'Israël, L'aventure aujourd'hui 228, Paris, J'ai lu, 1970, 307 p.

dimanche 21 octobre 2018

Ben DAN, L'espion qui venait d'Israël, L'aventure aujourd'hui 228, Paris, J'ai lu, 1970, 307 p.

Le livre raconte, quelques années à peine après les événements, le parcours singulier d'Elie Cohen, espion israëlien infiltré en Syrie, qui est démasqué, arrêté, et pendu, le 19 mai 1965, par le pouvoir syrien. Juif égyptien, Cohen est très tôt attiré par le mouvement sioniste qui milite pour la création d'un Etat juif. Sa famille émigre dès 1948-1950 en Israël ; Elie Cohen reste, et participe à une première entreprise de sabotage, ratée, qui lui vaut une première arrestation en Egypte en 1952. S'étant échappé, il rejoint Israël. Ayant du mal à s'intégrer à la vie civile, il accepte en 1960 d'entrer au Mossad, qui l'a repéré. Il est formé de manière très dure par un instructeur, surnommé "Le Derviche". Puis, quand on le juge prêt, on le prépare à sa nouvelle identité : celle d'un Syrien, baptisé Kamal Amin Taabes. Israël a en effet grand besoin d'informations sur les capacités militaires de la Syrie, qui bien que dominée par l'Egypte au sein de la République arabe unie, continue de menacer le nouvel Etat depuis le plateau du Golan.
En février 1961, Cohen atterrit à Buenos Aires. Il doit se faire passer pour un descendant d'une famille commerçante syrienne établie à Beyrouth, puis à Alexandrie, et qui songe à émigrer en Argentine, avant, éventuellement, de retourner en Syrie, dès que possible. Bénéficiant d'un relais en Europe, Cohen réussit à s'introduire dans la communauté syrienne en exil à Buenos Aires. Il rencontre même le général Amin el Hafez, qui organisera le coup d'Etat de 1963. Suffisamment parrainé par les Syriens en exil, Cohen peut désormais envisager de se rendre en Syrie, après un dernier passage par Israël pour se former à opérer avec un émetteur radio clandestin. Entretemps, la Syrie s'est débarrassée de la tutelle égyptienne.

Partant de Gênes, Cohen se rend en bateau sur la côte libanaise. La rencontre pendant le trajet par mer avec un cheikh facilite son entrée dans le pays, en janvier 1962. Grâce à ses contacts en Argentine, il trouve un appartement au coeur de Damas, en face de l'état-major syrien (!), à Abbu-Rumana. Le 12 février 1962, il envoie son premier message. C'est grâce à ses informations que l'armée israëlienne attaque, en mars 1962, le poste de Noukeib, attaque pendant laquelle un soldat est porté disparu -Cohen sera chargé de le retrouver en Syrie, en vain. Il sympathise en revanche avec le neveu du chef de l'état-major syrien. Ses contacts et son talent d'observateur lui permettent de renseigner le Mossad sur l'évolution politique dans le pays ; et même de bénéficier d'une tournée des défenses syriennes à la frontière israëlienne. L'espion reste toutefois lucide ; dans un rapport rédigé lors d'un retour en Israël, il écrit : "Lorsque je me trouvais à Kouneïtra et que je contemplais la vallée du Houlé, et lorsque à Koursi, je vis face à moi le lac et la ville de Tibériade, j'ai saisi l'énormité de cette folie qu'est la guerre ininterrompue entre la Syrie et Israël. J'ai contemplé les villages des villageois syriens, et ils m'ont fait penser aux habitants de Tibériade, tant les uns ressemblent aux autres. C'est à ce moment-là que je me suis dit que seule la propagande empoisonnée que distillent depuis quinze ans les gouvernements syriens successifs, empêche que les villageois syriens et israëliens, des deux berges du lac de Tibériade, ne puissent trouver entre eux de langue commune.".

A partir de l'été 1962, Cohen est chargé d'étudier les projets syriens de détournement des eaux du Jourdain. Il fréquente Georges Seif, fonctionnaire du ministère de la propagande et de l'information, ce qui lui donne accès des documents confidentiels. Puis il revoit le général el Hafez, rentré en Syrie. Il prête son appartement pour des parties fines, où l'on trouve le colonel Hatoum, un des officiers les plus importants du jeu politique syrien, marqué par la montée en puissance du Baath. Hatoum joue un rôle clé dans le coup d'Etat de 1963. A Damas, Cohen retrouve la trace de Franz Rademacher, un nazi vivant sous une fausse identité, qui a notamment conçu pendant la guerre le plan de déportation des Juifs à Madagascar, et a organisé la déportation des Juifs de Serbie. Cohen ne peut poursuivre la traque, mais les informations seront transmises à l'Allemagne, qui demandera son extradition en 1965. Seif lui propose de faire de la propagande sur Radio-Damas, à destination de la communauté syrienne exilée en Argentine. Cohen, de mieux en mieux renseigné, finit par obtenir les informations sur le détournement des eaux du Jourdain ; il photographie les premiers MiG-21 livrés à la Syrie, renseigne sur le dispositif de défense syrien à la frontière.

Après un dernier séjour en Israël, en novembre 1964, Cohen est finalement arrêté par le chef du contre-espionnage syrien, Ahmed Souweidani, en janvier 1965. Arrêté, torturé, Cohen est mis au secret. Il a été victime de son excès d'audace : situé en face de l'état-major syrien, il a, en émettant si près du lieu, perturbé les communications de l'état-major et celles des ambassades installées non loin. Les Syriens, aidés par les Soviétiques qui ont fourni une voiture de radiogoniométrie par la détection, ont finit par déceler l'antenne qu'il avait installée sur le toit au milieu des autres. Malgré une intense activité diplomatique pour obtenir sa libération, Elie Cohen est pendu par les autorités syriennes. Damas a toujours refusé de rendre son corps à Israël. Par son travail d'espion, il aura joué un rôle décisif pour le succès d'Israël dans la guerre des Six Jours, en 1967.

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