Kataib al-Imam Ali est un groupe avec lequel il faut désormais compter dans la mobilisation populaire chiite. Née en juin 2014 au moment de la floraison de milices chiites anti-EI, présentée comme le bras armé du Mouvement Islamique d'Irak, elle a été créée en réalité par d'anciens sadristes dont certains sont allés se battre en Syrie dès 2013. De fait, elle est très bien organisée et les liens avec l'Iran ne tardent pas à se faire jour. La milice retourne se battre en Syrie dès l'été 2015, et n'en est pas partie depuis. Parallèlement, elle continue le combat contre l'EI en Irak et participe à la bataille de Mossoul. Kataib al-Imam Ali bénéficie de l'aura de son icône, Abou Azraël, que la milice a su adroitement pousser en avant dès 2014 comme symbole de la lutte anti-EI.
Historique
Kataib
al-Imam Ali (KIA) est une milice chiite
formée lors de la mobilisation populaire contre l'EI en juin 2014.
Le secrétaire général de la formation est Shaybal al-Zaidi, qui a
fait partie du mouvement sadriste et a même commandé un temps
l'Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr, mais qui est aussi lié à Abu
Mahdi al-Muhandis, figure clé des milices pro-iraniennes de la
mobilisation populaire.
Qassem Soleimaini, le chef de la force al-Qods des Pasdarans, pose
aux côtés d'al-Zaidi dès octobre 2014, ce qui confirme des liens
étroits avec l'Iran. KIA
opère rapidement à Bagdad, dans le secteur de Tuz Kuzmato et à
Amerli. A
la fin de l'année 2014, KIA accueille en son sein un bataillon
chrétien, les bataillons de l'Esprit de Dieu et de Jésus fils de
Marie, visiblement des chrétiens syriaques et araméens de la
province de Ninive, qui se rallient à KIA car ils se sentent trahis
par les Kurdes qui ont reculé face à l'EI. En novembre 2014, KIA
alignerait déjà 3 000 combattants ; elle
combat à Arab Ejbur, au sud-est de Bagdad. En décembre, KIA
participe à la reconquête de Dhuluiya au nord de Bagdad.
Selon
des spécialistes des milices chiites irakiennes, KIA, présenté
comme le bras armé d'Harakat al-Iraq al-Islamiyah (Mouvement
de l'Irak Islamique), est apparu d'emblée avec des combattants
pourvus d'uniformes standardisés et bien armés. La milice a
combattu à Amerli, à Tuz Kuzmato, et dans la province de Diyala aux
côtés d'autres formations pro-iraniennes. Dans la province de
Salahuddine, ses combattants posent aux côtés des têtes coupées
de leurs ennemis. Bien que liée au gouvernement irakien de Nouri
al-Maliki avant sa démission, KIA a probablement bénéficié de
l'entremise de Muhandis, proche de l'Iran, ce qui explique sa bonne
organisation initiale. Muhandis avait dirigé le corps Badr
durant la guerre Iran-Irak, composé de chiites irakiens hostiles à
Saddam Hussein ; son chef d'état-major était Hadi al-Ameri,
qui dirige aujourd'hui l'organisation Badr, héritière
du corps Badr. KIA semble avoir des liens étroits avec le
Badr. Le groupe appartient à ces milices pro-iraniennes qui
cherchent à avoir une implantation politique dans un spectre plus
large, et qui ne sont pas seulement focalisées sur le combat
militaire. KIA
est impliquée dans la reconquête de Tikrit en mars 2015,
bataille dans laquelle elle perd son commandant second, Ali
al-Musawi. En
mai 2015, Abou Azraël, un combattant devenu une véritable icône
de KIA et plus largement du combat anti-EI chez les miliciens
chiites, est filmé en train de brûler vif un prisonnier à Karama,
dans la province d'al-Anbar. On attribue à KIA entre 4 et 7 000
hommes à cette époque. En
juin 2015, KIA combat à Baiji. C'est
également en 2015 que KIA monte une campagne de propagande
particulièrement frénétique pour recruter des volontaires,
notamment à Nadjaf, pour combattre en Syrie aux côtés de Bachar
el-Assad. Jaafar al-Bindawi, le responsable de la milice pour
l'entraînement et la logistique, dirige le contingent syrien ;
Ali Nizam prend en charge l'aspect logistique. Des combattants de KIA
avaient combattu en Syrie avant la formation de la milice, comme
d'autres groupes similaires (on pense à Saraya
Ansar al-Aqeeda) : Alaa Hilayl, un des « martryrs »
de KIA, et chef de la sous-division Kataib Malik al-Ashtar,
était déjà présent en Syrie en 2013, quand l'Iran avait battu le
rappel des milices chiites irakiennes pour sauver le régime syrien
menacé d'effondrement. Dès juillet 2015, KIA déploie des effectifs
en Syrie, à Damas ; en
octobre, elle a des hommes à Alep. En
septembre 2015, aux côtés des plus importants milices chiites
pro-iraniennes, KIA s'oppose à la loi de réforme sur la Garde
Nationale du Premier Ministre Abadi.
En
janvier 2016, KIA combat toujours sur le front d'Alep en Syrie. En
février 2016, elle participe à l'offensive qui dégage les
enclaves chiites de Zahra et Nubl encerclées par les rebelles
syriens. En
mai 2016, KIA, aux côtés d'autres milices chiites, participe à
l'assaut préliminaire sur Falloujah, en Irak. Le
17 juillet 2016, KIA, qui combattait à Alep, est transférée
sur le front de Palmyre, reprise à l'EI en mars par le régime
syrien, sous les ordres de son chef en Syrie, Muhammad al-Bawi. Dès
le début de l'offensive contre Mossoul, le 17 octobre 2016, KIA
expédie un contingent pour participer à la bataille. Elle
fait partie des milices lancées en novembre pour encercler
Mossoul par l'ouest, en isolant également Tal Afar.
Moqtada al-Sadr dément que KIA soit liée au courant sadriste.
KIA
participe également à l'offensive finale sur Alep. En décembre
2016, KIA est encore présente dans la ville.
En
février 2017, KIA combat sur le front au sud d'Alep. En avril 2017,
KIA est déployée au nord de Hama pour enrayer l'offensive rebelle
lancée le 21 mars précédent. KIA a toujours un contingent à
l'ouest de Mossoul qui combat l'EI : il s'agit de la 40ème
brigade. Son commandant est Abu Ali Al-Karawi. Le 15 mai, le reporter
fétiche de KIA rend visite à Abu Sajjad al-Khafaji, le commandant
adjoint de la brigade 40, blessé, qui sort de l'hôpital. Le 17 mai,
le bataillon de lance-roquettes de KIA bombarde les positions de l'EI
à l'ouest de Mossoul. Abou Azraël, le « Rambo »
chiite et icône légendaire de KIA, est avec la brigade 40 sur le
front à l'ouest de Mossoul. KIA a toujours un contingent déployé
en Syrie au nord de Hama en mai 2017, mené par Mohamed al-Bawi,
l'adjoint du secrétaire général de KIA.
Le camp d'entraînement de KAI en Syrie. |
Propagande
L'emblème
de KIA, dans un cercle, regroupe l'Irak, en vert, sur un fond jaune,
avec de part et d'autre l'épée d'Ali à deux pointes, la légendaire
Zulfiqar. Au centre, l'AK-47 dressé rappelle furieusement
l'emblème des Pasdarans. On lit en haut Mouvement de l'Irak
islamique, et en bas le nom de la formation, accompagné de formules
d'encouragement.
KIA
dispose d'un site Internet, d'un compte Twitter et de
multiples pages Facebook,
officielles ou tenues par des supporters.
La
page Facebook principale de KIA poursuit l'oeuvre entreprise
dès 2014, où la propagande de KIA sur les réseaux sociaux était
déjà bien rôdée. KIA a un porte-parole officiel pour les médias,
Eyad Al-Rubaie, qui dispose de sa propre page Facebook. Le
groupe publie également de nombreuses vidéos de chansons, de poèmes
chantés en hommage à ses miliciens. La page poste souvent des
images d'Abou Mahdi al-Muhandis, des posters de son secrétaire
général, d'Abou Azraël et de ses chefs d'unités comme la brigade
40. Le 29 avril, KIA enterre un de ses martyrs, Haydar Al–Mayahi.
Le 10 mai, un autre combattant tué à Mossoul, Wissam Namah Mehdi,
est mis en terre. Sur une vidéo du front à l'ouest de Mossoul, un
combattant tient un drapeau où figure Ali al-Musawi, le commandant
adjoint de KIA tombé à Tikrit en mars 2015.
A gauche, le secrétaire général de KAI avec Qassem Soleimani, le chef de la force al-Qods iranienne. |
A gauche, le commandant de la brigade 40 qui combat à l'ouest de Mossoul. A droite, Ali al-Musawi, numéro 2 de KAI tué à Tikrit en mars 2015. |
A gauche, l'adjoint du commandant de la brigade 40, récemment blessé. |
Abou Azraël est devenu l'icône de la mobilisation populaire chiite. |
La
branche entraînement et développement de KIA possède sa propre
page Facebook. En mai 2017, elle publie un avis de recrutement
de volontaires pour la brigade 40 qui combat à l'ouest de Mossoul :
les conditions sont d'être de parents irakiens, posséder un diplôme
dans les compétences recherchées, avoir entre 18 et 25 ans, être
de « bonne réputation », savoir lire et écrire,
avoir passé l'examen de forme physique, et fournir un certain nombre
de documents.
KIA
possède plusieurs antennes locales en Irak dont certaines ont aussi
leur page Facebook. C'est le cas de celle installée dans la
partie ouest de Bagdad (Karkh). Le 25 avril, elle dispose des
pancartes avec les « martyrs » de l'unité. Le 13
mai, elle enterre un combattant tué, Muhammed Sabbar al – Zirjawi.
L'antenne
de Diyala a également sa page Facebook. Elle fait l'éloge de
7 combattants tués le 26 avril sur le front de Mossoul : Alaa
Jawad Majid Mahdi al-Miali, Ali Karim Karim Faisal Al-Majidi,
Mohammed Walid Ghazi Radi Almkusosi, Mustafa Fallah Hassan Hammoud
Hasnawi, Ahmed Mohsen Kazem Al-Olawi, Aqeel Naeem Abbas, Jassem
Dhahad Jassim. Elle annonce la mort de 3 combattants tués à Mossoul
le 12 mai (Said Abbas Mohsen Sobeih, Saeed Mohammed Sabar Sayah et
Saeed Abdul Sada Hussein).
L'antenne
de Bagdad montre, entre autres, une photo d'Hadi al-Ameri, le chef du
Badr, et une autre d'Akram al-Kaabi, le chef d'HarakatHezbollah al-Nujaba. Le 15 mai, elle fait poser des affiches
montrant les « martyrs » de la milice à Bagdad.
Abou
Azraël possède sa propre page Facebook. Il est actuellement
avec la brigade 40 qui combat à l'ouest de Mossoul, autour de Tal
Afar. Le 12 mai, il pose pour la caméra avec un fusil de sniper
M24. Le 14 mai, une photo le montre avec un M-4 équipé d'un
lance-grenades M203 et avec un lance-roquettes AT-4 dans le dos. Le
18 mai, on le voit tirer de nuit avec une mitrailleuse MG 3.
Armement,
matériels, tactiques
Une
étude sur un mois environ des documents mis en ligne par KIA permet
d'apercevoir les capacités militaires de la milice.
La
brigade 40 déployée à l'ouest de Mossoul rassemble probablement
l'essentiel du parc de véhicules de KIA, qui pour l'instant ne
semble pas combattre ailleurs que dans ce secteur en Irak. Elle
dispose de moyens impressionnants : 2 BMP-1, un M-113 avec une
tourelle armée d'une mitrailleuse DSHK, un autre M113 avec KPV en
tourelle, de nombreux Humvees
(dont un avec canon sans recul SPG-9 dans la tourelle en plus d'une
DSHK, un autre avec un lance-missiles antichars Kornet
en tourelle en plus d'une mitrailleuse NST, un avec mitrailleuse Type
77/85 en tourelle, un avec KPV en tourelle), peut-être un char T-72,
un char T-55, un Safir
avec canon sans recul de 106 mm M40 ou sa copie iranienne, un
Land Cruiser avec ZU-23
monotube protégé par un bouclier, un mortier lourd (120 mm), un
véhicule léger avec SPG-9, un Land
Cruiser avec ZPU-2, un
Safir
avec LRM Type 63, un Ford F350 avec cabine arrière embarquant un
ZU-23, un ou plusieurs BRDM-2, un ou plusieurs MT-LB modifiés. La
brigade 40 dispose aussi de nombreux bulldozers et pelleteuses pour
protéger ses positions qui appartiennent probablement à un
bataillon du génie. Elle a un drone quadcopter
type Phantom 4 pour la reconnaissance et des IRAM de gros calibre
montés sur un camion (sans doute du bataillon de lance-roquettes).
L'infanterie est conséquente avec un armement classique (AK, PK,
RPG-7), mais on voit aussi de nombreux fantassins avec M-16 et il y a
aussi un certain nombre de fusils de précision (SVD Dragunov
et autres).
En
Syrie, le contingent déployé par KIA aligne un Land
Cruiser avec bitube
ZU-23, peut-être un camion avec canon S-60 de 57 mm. L'infanterie
est particulièrement nombreuse. KIA dispose d'un camp d'entraînement
en Syrie que l'on aperçoit dans de nombreux documents. Au nord de
Hama, les miliciens sont appuyés par des chars T-72 du régime
syrien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.