Lecture intéressante que celle de ce livre d'enquête journalistique sur Mohamed Merah. Et ce bien que la structure du livre soit un peu déroutante.
En effet, si l'entame commence par l'assaut du RAID sur l'appartement où s'est retranché Mohamed Merah, et si le début du livre retrace le parcours de Merah, depuis l'enfance jusqu'à l'adolescence en passant par la prison, qui joue un rôle important dans son parcours, la suite du livre part un peu dans tous les sens, est dense, touffue, bourrée de détails, et il faut s'accrocher suivre.
Le travail met cependant bien en exergue l'environnement dans lequel a évolué Mohamed Merah qui était loin d'être un "loup solitaire", que ce soit le milieu islamiste de sa famille et des personnes gravitant autour, celui de la délinquance puis du grand banditisme, notamment le trafic de stupéfiants aux Izards, sans parler de ses voyages à l'étranger, notamment dans des terres de djihad.
Il y a toute fois des passages plus surprenants, comme à la page 88 lorsque l'auteur explique qu'à l'été 2010, alors que Mohamed Merah navigue entre la Syrie et l'Irak, le front al-Nosra et le Front islamique des Frères musulmans (?) sont déjà actifs, ce qui est manifestement erroné. De la même façon, l'auteur accorde sans doute une importance trop exclusive à Haji Bakr et aux documents retrouvés à Tal Rifaat en 2014 et exploités par le journaliste Christoph Reuter. A la page 123 également, l'auteur décrit Omar Diaby comme le "recruteur numéro 1 de Français pour l'Etat islamique en Syrie", ce qui est inexact. Diaby a certes fait partir beaucoup de jeunes Français en Syrie, qui après ont souvent rallié l'EI, mais il n'a jamais lui-même intégré cette organisation, rejeté par elle, et non coopté par le front al-Nosra ; aujourd'hui Diaby fait partie avec les restes de sa brigade du Part Islamique du Turkistan, mouvement ouïghour majoritairement, proche d'al-Qaïda et qui opère avec Hayat Tahrir al-Sham, successeur du front al-Nosra en Syrie.
L'enquête met aussi en évidence le rôle plus que trouble du grand frère de Merah, Abdelkader. Elle décrit avec un luxe de détails la chevauchée macabre de Mohamed Merah, depuis le vol du scooter servant aux déplacements pour les assassinats jusqu'à ces derniers ; les errements de l'administration ; les récupérations politiques de l'affaire ; et les départs du "cercle" proche de Merah vers la Syrie à partir de 2014 notamment, pour rejoindre ce qui va devenir l'Etat islamique. Page 301 toutefois, l'auteur annonce la mort d'Abou Mousab al-Souri en janvier 2014, "du côté d'Alep", alors qu'il s'agit d'Abou Khalid al-Souri, un temps secrétaire du précédent, qui faisait alors partie d'Ahrar al-Sham et avait été désigné envoyé spécial de Zawahiri pour régler la "fitna" entre l'EIIL et le front al-Nosra, sans succès. Abou Khalid est tué le 21 février 2014 lors d'un attentat kamikaze de l'EI (et non en janvier). Concernant Abou Mousab al-Souri, en 2014 encore il était toujours emprisonné...
Un livre à lire donc, d'autant qu'il avait été publié entre les attentats de Charlie Hebdo de janvier 2015 et ceux de novembre 2015 à Paris, ce qui en fait toute la valeur.
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