La série "Duel" d'Osprey confronte deux matériels adverses durant un conflit. Ce volume paru en 2014 met ainsi face-à-face le Jagdpanther et le SU-100 sur le front de l'est, à la fin de la guerre.
La partie technique et historique du livre est sans aucun doute la plus intéressante. Si les Allemands ont réfléchi à des véhicules blindés sans tourelle -StuG, puis Panzerjäger- dès avant la Seconde Guerre mondiale, ce n'est pas le cas des Soviétiques qui s'y adaptent pendant le conflit lui-même. Les canons d'assaut soviétiques sont d'ailleurs davantage prévus pour le soutien d'infanterie que pour le combat antichar, à l'origine. Le Jagdpanther, basé sur le châssis du Panther, armé de la même pièce de 88 mm qui équipe le Tigre II, n'entre pas en production avant janvier 1944 et ne sort qu'à un peu plus de 400 exemplaires. Le SU-100 est censé remplacer le SU-85, devenu obsolète face aux derniers modèles de chars allemands et au vu de l'entrée en service du T-34/85 auquel il n'apporte aucun atout particulier. Le SU-100 est produit à partir de l'été 1944 et arrive sur le front dans les derniers mois de l'année (le chiffre de sa production, 1350 unités, n'est malheureusement donné que dans les dernières pages, étrangement).
L'exemple d'engagement choisi pour illustrer le combat entre les deux mastodontes est le front hongrois en 1945. Les Jagdpanther sont normalement organisés en bataillons indépendants de 45 véhicules, à disposition d'un corps d'armée ou d'une armée pour servir de "brigade de pompiers" selon les besoins. Les SU-100 sont d'abord organisés en régiments de 21 véhicules, puis en brigades de 65 engins lorsqu'ils sont suffisamment nombreux. La doctrine allemande prévoit que le Jagdpanther est là pour détruire les blindés lourds ennemis à longue portée, changeant de place régulièrement, opérant avec un tandem en pointe pour l'offensive, et le reste de l'unité derrière. Le SU-100, au contraire, privé de mitrailleuse d'appoint à côté de son canon de 100 mm, opère comme artillerie autopropulsée : il se met en position sur les flancs ou les hauteurs au moment d'une attaque, et engage toute cible à portée, visant en priorité les chars et les canons antichars. Pendant l'opération Frühlingserwachen, lancée par les Allemands le 6 mars 1945 au nord-est du lac Balaton en Hongrie, ces derniers disposent des Jadgpanther du s.P.A. 560 (6 véhicules avec la 12. SS P.D. Hitlerjugend), de ceux rattachés au II./SS-Pz.Rgt 2 de la Das Reich (6 opérationnels), de ceux rattachés au I./SS-Pz.Rgt 9 de la Hohenstaufen (10 opérationnels), soit 22 engins opérationnels en tout. En face, la défense soviétique peut compter sur 17 SU-100 opérationnels au sein de 3 régiments dont un de la Garde faisant partie du 1er corps mécanisé de la Garde, ainsi que de 46 autres d'une brigade de la Garde. Le 3ème front d'Ukraine reçoit, une fois l'offensive allemande déclenchée, une brigade avec 21 engins opérationnels et une autre avec 63 engins opérationnels (toutes les deux de la Garde), faisant partie de la 6ème armée de chars de la Garde (2ème front d'Ukraine). Soit 147 engins, en tout.
Si le Jagdpanther montre sa supériorité sur le plan tactique, comme à Deg, le 9 mars, où le s.P.A. 560 détruit une douzaine de SU-100 lors de l'assaut de la localité, l'engagement de réserves mobiles par les Soviétiques, comme les brigades de SU-100, saignent littéralement à blanc les pointes blindées allemandes, malgré les pertes. Au 10 mars, le s. P.A. 560 n'a plus que 2 Jagdpanther en ligne. Lors des combats pour établir une tête de pont sur le canal de la Sio, là encore les Allemands subissent des pertes intolérables, même si des régiments de SU-100 perdent jusqu'aux deux tiers de leurs effectifs pour stopper leur progression.
Les deux véhicules montrent que, progressivement, la différence entre canon d'assaut et chasseur de chars s'estompe, les engins allemands et soviétiques tirant à la fois des munitions explosives et antichars. Le Jagdpanther est handicapé par son canon long, qui pèse sur sa suspension, entraînant une faible disponibilité, et par son moteur à essence. Il se révèle redoutable toutefois lors des engagements à longue portée. Le SU-100 quant à lui est meurtrier lorsqu'il est utilisé par batterie de 5 véhicules, en embuscade à l'orée d'une forêt, à flanc de pente, guidée par un observateur. Les spécialistes ajoutent même que dans l'idéal, il faut combiner SU-100 et ISU-152 pour avoir un tandem fatal. Les deux véhicules continuent d'ailleurs de servir pendant la guerre froide -le Jagdpanther dans l'armée française, le SU-100 en Egypte, par exemple.
Intéressant sur le plan technique et historique des véhicules, très bien illustré, ce petit volume laisse toutefois sur sa fin quant au plan tactique, l'auteur ne descendant pas jusqu'à l'analyse détaillée de petits engagements pour mieux montrer l'emploi respectif des deux engins.
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