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mercredi 11 octobre 2017

Yuzhnyy Front (Front sud) 1/La 61ème brigade de fusiliers marins indépendante

Le 30 septembre 2017, le colonel Fedyanin, commandant la 61ème brigade de fusiliers marins indépendante russe, meurt de ses blessures à l'hôpital militaire de Moscou. Fedyanin avait été blessé en Syrie lors d'un bombardement au mortier de l'EI ou en raison de l'explosion d'un IED le 23 septembre, près de Deir Ezzor. L'incident avait coûté la vie au général Asapov, qui chapeautait le 5ème corps de l'armée syrienne. La mort du commandant de la 61ème brigade de fusiliers marins constitue l'occasion de revenir sur l'engagement de cette formation russe en Syrie. Unité d'élite, la 61ème brigade est présente dès les premiers mois de l'intervention de Moscou pour soutenir Bachar el-Assad. Elle a joué un rôle-clé dans plusieurs offensives majeures du régime syrien.



Historique


La 61ème brigade de fusiliers marins indépendante « Kirkenes » « Drapeau rouge » est une unité de fusiliers marins de la flotte soviétique, puis russe. La 61ème brigade naît à partir de la 67ème brigade de fusiliers marins, formée en novembre 1941 pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette brigade a été active du 2 avril au 8 mai 1942 : décimée lors d'une opération, elle est retirée du front et gardée en réserve au sein du front de Carélie. Au bout d'une année, la brigade vient compléter les effectifs de la 45ème division d'infanterie. Le 2ème bataillon de la 67ème brigade de fusiliers marins constitue le 61ème régiment d'infanterie de la 45ème division de fusiliers, le 5 mai 1943. L'unité prend notamment part à l'opération Petsamo-Kirkenes, pénètre dans Kirkenes le 25 octobre 1944 et reste sur le territoire norvégien jusqu'à la fin des hostilités. Pour ses faits d'armes, le 61ème régiment est décoré de l'ordre du Drapeau Rouge et reçoit le surnom « Kirkenes ».

En septembre 1945, le 61ème régiment est cantonné à Pechenga et Mourmansk. En 1952, la 45ème division intègre la nouvelle 6ème armée du district militaire de Léningrad. En 1957, la 45ème division de fusiliers devient la 131ème division de fusiliers motorisés et le 61ème régiment le 61ème régiment de fusiliers motorisés. Le régiment est stationné dans le village de Kakuri ; sur demande de son commandant, le village est rebaptisé Spoutnik en décembre 1960. A partir de 1963, le commandement de l'armée soviétique souhaite recréer une force d'infanterie navale, les fusiliers marins ayant disparu après 1956. C'est en 1966 que le 61ème régiment est transforme en régiment de fusiliers marins et intégré à la flotte du Nord « Drapeau rouge ». La 121ème brigade de navires de débarquement assure le transport des fusiliers marins : elle est basée à Polyarni, près de Mourmansk. En août 1967, certaines compagnies du régiment sont envoyées à Vladivostok pour contribuer au développement des fusiliers marins de la flotte du Pacifique. Le 7 novembre 1968, pour l'anniversaire de la révolution d'octobre, le 61ème régiment est à la parade dans Moscou.

Le 15 mai 1980, une réorganisation conduit à élever le 61ème régiment au rang de brigade de fusiliers marins indépendante. La brigade comprend 3 bataillons d'infanterie, un bataillon d'artillerie, un bataillon antichar, un bataillon antiaérien et un bataillon de chars. La brigade compte 2 000 hommes. En 1991, à la chute de l'URSS, le corps des fusiliers marins de l'Armée Rouge comprend pas moins de 15 000 hommes. Après la dislocation de l'URSS entre 1989 et 1991, la brigade se voit retirée certaines de ses unités, la taille des nouvelles forces armées russes diminuant drastiquement. La réforme de 2009 qui suit la guerre en Géorgie, riche de leçons pour la Russie, voit la 61ème brigade revenir au rang de régiment. Cependant, en décembre 2014, avec la création d'un commandement stratégique unifié Nord, elle redevient 61ème brigade de fusiliers marins indépendante. La brigade est toujours basée à Spoutnik, dans la péninsule de Kola. Les fusiliers marins dépendent de la branche des troupes côtières de la flotte russe. L'armée russe renforce les compagnies de reconnaissance des brigades de fusiliers marins, qui ont abandonné leurs chars, mais disposent de lance-roquettes multiples BM-21 Grad. L'élément le plus puissant de ces brigades est le bataillon d'assaut parachutiste, qui comprend environ 500 hommes. Les fusiliers marins disposent de véhicules blindés BTR-80, BTR-82A, MT-LB, BMP-2, de canons automoteurs 2S1, 2S3, 2S9. Ils recrutent de moins en moins par conscription et de plus en plus par engagement volontaire, des soldats professionnels (même si en 2011, suite à la réforme lancée en 2009, une compagnie, à titre d'exemple, ne comptait plus que 8% d'engagés volontaires). Les officiers sont entraînés à l'école de Blagoveshchensk en Extrême-Orient et à l'école de parachutistes de Ryazan. Les sergents et les spécialistes sont formés à l'école des fusiliers marins de Saint-Pétersbourg. Un entraînement supplémentaire est fourni au centre d'entraînement récemment installé près de Nijni-Novgorod. Destinés aux opérations amphibie, les fusiliers marins russes, considérés comme des troupes d'élite, sont cependant régulièrement déployés pour des missions d'importance.

La 61ème brigade a été mobilisée lors de la première guerre en Tchétchénie. Dès le 22 décembre 1994, elle doit former un détachement basé sur son 876ème bataillon d'assaut, qui comprend à la fois de l'infanterie mais aussi d'autres moyens prélevés dans la brigade. Expédié en urgence à Mozdok en Ossétie du Nord le 7 janvier 1995 après le désastre du nouvel an pour les Russes au cœur de Grozny, sans ses véhicules blindés, ce détachement est lancé dans les combats de rues dès le 13 janvier. Après la chute de Grozny, il continue le combat dans le reste du pays jusqu'au 26 juin 1995. A son retrait, il compte au moins 64 tués et 252 blessés (sur un millier d'hommes).

La 61ème brigade participe également à la seconde guerre de Tchétchénie en septembre 1999. Un groupe tactique, là encore basé sur le 876ème bataillon, est cette fois équipé de ses véhicules blindés, d'une batterie de mortiers, de canons automoteurs 2S1 (122 mm), d'une section antichar, d'une compagnie de reconnaissance de fusiliers marins de la flotte de la mer Noire, d'une batterie d'artillerie de la flotte de la mer Caspienne, d'une compagnie du génie et de sapeurs. En termes d'effectifs, le groupe tactique équivaut en fait à un régiment. Le détachement combat jusqu'en juin 2000 en Tchétchénie et au Dagestan, et compte 16 tués. La plupart des morts proviennent d'un engagement le 31 décembre 1999 dans la gorge de Vedeno, où les Tchétchènes attaquent une position défensive tenue en conjonction avec une section de reconnaissance de la 810ème brigade de fusiliers marins. La 61ème brigade perd 13 tués dont 3 officiers.

Au sein du corps des fusiliers marins russes, la 61ème brigade est considérée comme l'unité la plus expérimentée.


Le déploiement en Syrie


En avril 2016, le site Informnapalm, spécialisé dans la recherche en source ouverte sur l'implication des forces armées russes dans le Donbass et en Syrie, révèle que l'offensive contre la ville de Palmyre, capturée par l'EI en mai 2015 et reprise par le régime syrien en mars 2016, a été chapeautée par la 61ème brigade de fusiliers marins indépendante. Le site a en effet trouvé sur les réseaux sociaux des photographies de Dmitry Egoshin, un engagé volontaire de cette unité. Les photos, au vu des monuments antiques présents en arrière-plan, ne laissent guère de doute quant à sa présence à Palmyre (il s'est également pris en photo dans la partie sud de la ville). Plus intéressant, Egoshin a gardé une position située à l'est de Jablé, sur la bande côtière alaouite, au sud-est de Lattaquié, avant son déploiement à Palmyre. La 61ème brigade de fusiliers marins indépendante a donc probablement conduit l'assaut sur Palmyre. Comme le fait remarquer Informnapalm, et c'est le cas de beaucoup d'autres unités russes engagées en Syrie, la 61ème brigade est une unité d'élite de l'armée russe, qui a d'ailleurs été engagée dans le Donbass entre l'été 2014 et au moins février 2015. Des unités de la 61ème brigade ayant combattu dans le Donbass auraient été transportées en Syrie par les avions de l'armée russe à partir de la fin décembre 2015 : les fusiliers marins stationnent d'abord à la base aérienne de Hmeymin près de Lattaquié et près du port de Tartous, gardant les voies de communication avec des postes défensifs comme celui que tient Egoshin. Un autre membre de la 61ème brigade, Valentin Shamanin, a servi dans le Donbass avant d'arriver en Syrie. Le site Informnapalm a identifié 32 autres soldats russes de la 61ème brigade engagés sur place. Tom Cooper, dans une analyse pour Medium, confirme que des unités tactiques organisées autour de bataillons de la 61ème brigade de fusiliers marins indépendantes mènent l'offensive sur Palmyre.

27 décembre 2015 ; la 61ème brigade arrive en Syrie, transportée par Il-76.

Mars 2016. Un fusilier marin de la 61ème brigade aux côtés d'un soldat syrien, probablement dans le port de Tartous.

Mars 2016.


Fusilier marin de la 61ème brigade dans une position défensive, province de Lattaquié (mars 2016). On lit, en russe, Spoutnik, le nom de la base de la 61ème brigade en Russie.
Une autre position de mitrailleuse ou la même, avril 2016.


Lattaquié, mars 2016.

Secteur de Palmyre, 17 mars 2016. On note l'écusson des fusiliers marins.
Secteur de Lattaquié, avril 2016.

Pas moins de 12 fusiliers marins de la 61ème brigade dans l'est de la province de Homs, secteur de la base T4, en avril 2016, sur un BTR-80.

Dès octobre 2015, dès les débuts de l'intervention russe en Syrie, Moscou expédie des lance-roquettes multiples thermobariques TOS-1A. Dès la fin septembre 2015, une unité ad hoc pour manipuler les TOS-1A est constituée à partir du 20ème régiment indépendant de protection NBC (district militaire Ouest, Nijni-Novgorod). Les TOS-1A sont en Syrie dès le 9 octobre. La Russie a beau jeu de prétendre que les véhicules ont été vendus à Bachar el-Assad ; en réalité, c'est bien l'armée russe qui manœuvre les TOS-1A. Dès le 22 octobre 2015, la chaîne Youtube des Forces Nationales de Défense (milice pro-régime syrien) met en ligne une vidéo d'une salve tirée par un TOS-1A dans la province de Lattaquié. Valentin Shamanin, le soldat de la 61ème brigade, se prend en photo avec les TOS-1A russes, qui ont été utilisés à Palmyre, et qui sont dans le port de Tartous quelques mois plus tard.

Un TOS-1A en action, province de Lattaquié, capture d'écran d'une vidéo des Forces Nationales de Défense, 22 octobre 2015.


En octobre 2016, la 61ème brigade de fusiliers marins indépendants participe à un exercice de la flotte du Nord à Pechenga. Informnapalm a retrouvé la trace de la 61ème brigade de fusiliers marins indépendante en 2017. L'EI avait repris Palmyre en décembre 2016, véritable camouflet pour le régime syrien mais aussi pour la Russie, des soldats russes ayant abandonné à la hâte leur base au milieu de la ville. Fortement appuyé par Moscou, le régime syrien reprend Palmyre le 2 mars 2017. A partir d'avril et jusqu'en mai 2017, la 61ème brigade tient garnison à Palmyre comme le prouve les photos du soldat Kirill Platonov. Elle est alors remplacée par la 155ème brigade de fusiliers marins indépendante basée à Vladivostok (flotte du Pacifique). Le 9 mai 2017, la 61ème brigade est présente lors du défilé commémorant la victoire sur l'Allemagne nazie à Moscou ; c'est la première fois depuis vingt ans.

Le colonel Fedynanin, vu ici à la télévision russe lors d'un entraînement en Russie en février 2016. Il sera tué en Syrie par l'EI fin septembre 2017.


La mort du colonel Fedyanin du fait de l'EI rappelle que la 61ème brigade de fusiliers marins continue, a minima, d'appuyer l'offensive du régime syrien autour de Deir Ezzor.

 
Autre emblème de la brigade.


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