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dimanche 30 avril 2017

Mourir pour Assad 11/ Saraya al-Khorasani

Saraya al-Khorasani fait partie de ces milices composées de chiites irakiens nées en Syrie pour combattre aux côtés du régime syrien. Ce n'est qu'en 2014 que la milice revient en Irak pour affronter ce qui devient l'EI en juin. Dès sa naissance en Syrie, Saraya al-Khorasani se fait remarquer par sa posture pro-iranienne, au point de reprendre pour emblème celui des Pasdarans qui ont probablement constitué l'unité, du moins en Irak. Concentrée sur le théâtre irakien, la milice renvoie toutefois des combattants en Syrie en novembre 2015 et ce au moins jusqu'en avril 2016. Equipée par l'Iran, Saraya al-Khorasani intègre le bloc pro-iranien des milices chiites de la mobilisation populaire chiite (Hashd al-Shabi). Outre son discours pro-iranien, elle se signale par nombre d'exactions, notamment en Irak en 2014, qui la font craindre de beaucoup.

 


Historique


Saraya al-Khorasani est la branche militaire d'un parti politique irakien, le Hezb Taleea al-Islamiya, qui existe depuis 1995. Il prend la suite de Sayara al-Karar, une formation chiite liée à Mohamad Baqir Al Hakim qui a combattu l'Irak de Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak, notamment dans les marais au sud du pays à partir de 1986. Cette milice a aussi combattu à Kerbala et à Nadjaf après 1991.

Saraya al-Khorasani (SAK) naît semble-t-il en septembre 2013, en tout cas c'est ce mois-là que sa présence devient visible sur les réseaux sociaux. La milice tire son nom de Abu Muslim al-Khurasani, un chef militaire qui aide à déposer les Omeyyades au VIIIème siècle, mais surtout le nom renvoie au guide suprême iranien, Khamenei. SAK revendique alors être basée à Erbil, au Kurdistan irakien : cette milice opère uniquement en Syrie, dans les zones rurales autour de Damas. Comme d'autres formations du même type, elle prétend combattre pour la défense du tombeau de Zaynab et ne cache pas ses sympathies pour l'Iran, en particulier l'ayatollah Khamenei. SAK se distingue par les nombreuses images montrant ses combattants avec le drapeau du groupe. En outre, c'est l'une des rares milices chiites irakiennes à ne pas cacher ses sympathies pour l'Iran, voire à prendre ouvertement fait et cause pour les Pasdarans, comme le montre l'emblème de la milice. SAK est commandée par Ali al-Yasiri. Le groupe dispose alors d'un armement classique : AK-47, mitrailleuses PK, lance-roquettes RPG-7, fusil de précision SVD, et quelques mortiers. Il opère notamment dans la Ghouta orientale, à l'Est de Damas.

Dès le début du mois de juin 2014, SAK déploie ses combattants en Irak, à Samarra, pour protéger la ville devant la poussée de l'EIIL, qui devient l'EI après la chute de Mossoul ce même mois. Il apparaît que SAK bénéficie d'un financement gouvernemental, le Premier Ministre al-Maliki tentant d'intégrer une partie des milices chiites dans les forces de sécurité. En août 2014, alors que SAK prend part à la bataille pour libérer Amerli de l'EI, une vidéo tournée par des peshmergas montrent un Humvee de la milice avec un corps décapité sur le capot et un autre tiré derrière le véhicule. Le discours de SAK pendant la bataille d'Amerli est d'ailleurs particulièrement virulent : tous ceux qui combattent la milice sont ravalés au rang de l'EI. En novembre 2014, les combattants de SAK tiennent des villages à 75 km au sud de Kirkouk, dans le nord de la province de Salahuddine en Irak. Ils incendient les villages sunnites et pillent les habitations. SAK se fait remarquer en Irak par sa posture ouvertement pro-iranienne.

En 2015, les observateurs notent que SAK recrute essentiellement des chiites du centre et du sud de l'Irak, et qu'il n'a pas fallu longtemps avant que la milice soit en ordre de bataille contre l'EI dans le pays. Qassem Soleimani, le chef de la force al-Qods des Pasdarans, qui servent de modèle à SAK, a souvent été photographié en compagnie de membres de la milice. Le général iranien Taghavi des Pasdarans était d'ailleurs conseiller auprès de SAK avant d'être abattu par un sniper de l'EI en décembre 2014 (une vidéo de SAK le présente même comme le fondateur de la milice). SAK est ravitaillé en matériel par l'Iran. En janvier 2015, elle est très présente dans la province de Diyala. Le groupe, grâce au soutien iranien, serait passé de 1 500 à 3 000 hommes, tout en capturant de l'artillerie, des mitrailleuses lourdes, des canons ZU-23 et des Humvees à l'EI pour augmenter son arsenal. Le QG de Saraya al-Khorasani serait maintenant à l'Est de Bagdad ; Ali al-Yasiri, son chef, a été blessé durant les combats de Diyala en novembre 2014. Fin 2014-début 2015, SAK opère à Tuz Khuzmato dans l'est de la province de Salahuddine et à Jalawla au nord-est de la province de Diyala. En novembre 2014, elle aurait disposé de 800 combattants dans le premier secteur et de 3 000 dans le second ; des affrontements éclatent avec les peshmergas irakiens. En mars 2015, SAK est engagée dans la libération de Tikrit. En août 2015, une vidéo montre SAK utiliser un drone de type Phantom en appui de ses opérations en Irak. En septembre 2015, une vidéo de SAK montre un camp d'entraînement, peut-être dans l'ouest de la province d'al-Anbar, rebaptisé en l'honneur du général Taghavi. On y avoit Ali al-Yasiri, et son adjoint, Hamid al Jaza’iri, qui commanderait une « 18ème brigade » au sein de SAK. Le parti islamique Taleaa devient de plus en plus visible sur les réseaux sociaux. Plutôt concentrée sur la lutte contre l'EI en Irak, SAK annonce en novembre 2015 qu'elle va participer à l'offensive en Syrie pour lever le siège des enclaves chiites de Zahra et Nubl au nord-ouest d'Alep. Parallèlement, SAK a participé aux combats pour libérer la ville et la raffinerie de Baiji en Irak.

Des photos de SAK montrent des combattants de la milice en Syrie en janvier 2016. En février, SAK combat dans le secteur de Zahra et Nubl au nord-ouest d'Alep et dans la ville elle-même. SAK déclare en mars 2016 vouloir devenir en Irak l'équivalent des Pasdarans en Iran. Elle aurait envoyé des renforts en Syrie au mois d'avril 2016 sur le front d'Alep. Des photos montrent effectivement les combattants de SAK en Syrie (Damas) au mois d'avril : sur l'une d'elles, ils sont plus de 50. En réalité, les combattants de SAK sont également sur le front d'Alep dès la fin de février 2016 : leur camp de base serait à Damas d'après les publications de leur page Facebook. En mai 2016, quand les partisans de Moqtada al-Sadr envahissent le Parlement à Bagdad, les miliciens de SAK investissent les rues et se déclarent prêts à combattre les hommes de Sadr si besoin. L'Iranien Mohammad Saleh Jokar propose même que SAK devienne le noyau d'un corps de Gardiens de la Révolution irakien. SAK se rattache fermement en 2016, au sein de la mobilisation populaire chiite dont elle fait partie, au bloc des milices pro-iraniennes, aux côtés du Badr, de Kataib Hezbollah, d'Asaib Ahl al-haq ou d'Harakat Hezbollah al-Nujaba. Ces milices, qui sont les mieux armées, bénéficient de l'appui de conseillers militaires iraniens, ont des aspirations politiques, et ont sans doute été parmi les plus efficaces sur le terrain contre l'EI. En juin, la milice combat à Falloujah ; elle est ensuite présente dans les monts Hamrin. Le 17 octobre 2016, un convoi de SAK monte vers Mossoul pour participer à l'offensive déclenchée contre la ville par l'armée irakienne et ses alliés. Des photos de la fin décembre 2016 montrent que SAK participe au sein de la mobilisation populaire chiiite à l'encerclement à l'ouest de Mossoul tout en combattant encore dans les monts Hamrin.


Idéologie et propagande


L'emblème de SAK, reflétant la position pro-iranienne à l'excès de la formation, est le décalque exact de celui des Pasdarans. Le nom de l'unité est précisément Saraya al-Talia (l'avant-garde) al-Khorasani.

SAK dispose une page Facebook, qui est alimentée irrégulièrement mais qui est très suivie. Elle a aussi un compte Twitter et une chaîne Youtube. Le parti politique associé à la milice a également sa propre page Facebook. SAK a également des pages pour certains de ses bureaux dans le pays, mais seules quelques-unes comme celle de Nadjaf est très active. Cette page relaie parfois d'autres informations que celles de la page militaire, comme ce combattant tué le 15 décembre 2016 dans les monts Hamrin. La page de Bassorah est également assez entretenue.

Dans les images postées sur la page Facebook de SAK, l'emblème du groupe et le portrait du chef, Ali al-Yasiri, reviennent fréquemment. Le 15 octobre 2016, un montage photo montre Yasiri, à une période où il était blessé, marchant avec une canne au milieu de corps répandus dans un champ (la photo date de février 2016 et a été prise en Syrie). Yasiri est fréquemment accompagné sur les photos d'un clerc chiite portant le turban noir, que l'on voit souvent par ailleurs sur les autres clichés postés par le groupe. Le 25 avril 2016, une photo montre ce clerc aux côtés de Qasseim Soleimani, probablement en Syrie. Les deux sont avec Yasiri sur un cliché du 23 avril. Le 3 mars, Yasiri et le clerc posaient ensemble devant le dôme de Zaynab à Damas. Muhandis est aussi honoré par un poster de propagande.

Le 29 avril, SAK publie un poster d'un combattant tué la veille. Le 9 juin, SAK enterre un combattant tué à Saqlawiyah, près de Falloujah. Le 14 juin 2016 ont lieu les funérailles d'un combattant tué un an plus tôt. Pour la journée al-Qods, le 1er juillet 2016, SAK organise un défilé à grands renforts de drapeaux et de pancartes, sur lesquelles on reconnaît Khamenei, Khomeiny, Muhandis et le général iranien Taghavi. Un poster mis en ligne le 22 juillet honore un combattant tombé la veille. Les 1er, 7 et 9 août, SAK poste trois posters de « martyrs » récemment tués au combat. Le 11 septembre, une vidéo honore un capitaine des Pasdarans qui a combattu avec SAK en Irak et en Syrie et qui a été tué dans ce dernier pays. Le 23 octobre 2016, SAK annonce la mort d'un ses combattants dans les monts Hamrin. Le 18 novembre 2016, un communiqué déplore la mort d'un cadre du SAK, qui avait le grade de capitaine. Le groupe poste également assez fréquemment des images d'archives du général iranien Taghavi, alias « Abou Maryam ».


Armement, matériels, tactiques


Une analyse en source ouverte de l'armement, des tactiques et du matériel de SAK sur l'année 2016 et le début de l'année 2017 montre que le groupe a acquis des véhicules pris sur l'ennemi, et probablement aussi via les forces de sécurité irakiennes. Le soutien iranien, bien que visible, n'est pourtant pas massif. SAK en revanche dispose d'une infanterie parfois conséquente, même si ce n'est pas la plus nombreuse des milices pro-iraniennes.

Une photo du 28 mai montre au moins 3 Humvees de SAK, un autre véhicules et des lanceurs IRAM sur pick-up. Un cliché du 8 mars en Syrie montre que SAK dispose d'un technical (Land Cruiser avec KPV). Une photo du 20 mars 2016 montre un mortier lourd (120 mm) en Syrie. Un cliché du 25 mai montre Yasiri poser devant un IRAM monté sur camion. Une photo du 29 montre un BMP-1. Une photo du 30 mai montre des combattants de SAK, dont un tireur PK et un fantassin avec Colt Commando et AK-47. Un cliché du 2 juin montre un tireur RPG-7. Une photo du 5 juin montre un lanceur IRAM sur pick-up en position de tir. D'autres clichés montrent des fusils de sniping sommairement bricolés par l'EI à partir de tubes antiaériens pris par SAK à Saqlawiyah. Le 15 juin, une photo montre un Humvee de couleur sombre avec DSHK en tourelle, portant l'emblème du groupe. Une photo du 28 juin montre des lanceurs IRAM de SAK sur Land Cruiser. Le 30 juin 2016, une photo montre un char T-72. Un cliché du 3 juillet montre des lanceurs IRAM sur Land Cruiser. Une photo du 10 août 2016 montre un tir d'IRAM monté sur pick-up. Dans une vidéo du 12 août 2016, il est question d'un « 3ème régiment », qui serait donc une subdivision de SAK. Un cliché du 14 octobre montre 2 mitrailleurs PK de SAK. Le jour du lancement de l'offensive contre Mossoul, le 17 octobre, une photo montre un alignement d'obus de mortiers. Un cliché du 18 octobre montre un tireur RPG-7 qui porte en plus une AK-47. Une photo du 3 novembre montre un tireur d'élite de SAK sur SVD Dragunov. SAK montre plusieurs Humvees dans ses publications Facebook.

En février 2016, une vidéo montre un VBIED de l'EI exploser tout près des positions de SAK dans les monts Hamrin.

Dans une vidéo du mois de mai, SAK opère avec un Humvee, un Safir iranien avec canon sans recul M40 de 106 (avec obus fléchettes), un technical avec ZU-23 bitube. L'action se déroule de nuit : des lanceurs IRAM ouvrent le feu. Une autre vidéo de mai montre aussi plusieurs tirs d'IRAM sur pick-up. Dans une autre vidéo à Saqlawiyah, on peut voir un Safir avec LRM Type 63, un Humvee avec KPV, un technical Ford F350 de la police fédérale avec KPV, un mortier léger, plusieurs tireur RPG-7, plusieurs tireurs PK, un BMP-1 et un autre Humvee. Une autre vidéo sur le front de Saqlawiyah montre en tout 2 BMP-1 et 8 Humvees.

Dans une vidéo du mois de juin 2016, à Falloujah, on voit que SAK aligne un M1117 de la police fédérale, au moins un BMP-1 et de nombreux Humvees. L'infanterie est conséquente. SAK capture un tube antiaérien reconverti en arme de sniping par l'EI.

En juillet 2016, une vidéo permet de voir que SAK opère avec 3 Humvees et 1 BMP-1, et une très nombreuse infanterie. On voit également un technical avec tourelle pour le bitube ZU-23 à l'arrière. Plusieurs fantassins portent des fusils iraniens anti-matériel AM 50. SAK déminent les IED laissés par l'EI derrière lui. Le clerc chiite que l'on voit souvent a le bras droit en écharpe dans cette vidéo.

Dans une vidéo de décembre 2016, sans doute une compilation d'images d'archives, on constate que SAK a un BMP-1, une batterie de 3 lanceurs IRAM sur pick-up, des technicals, des Humvees. Un camion porte 2 Humvees. SAK a aussi une artillerie comprenant un obusier D-20 de 152 mm et un un LRM iranien HM 20 sur Mercedes 2626.



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