Constitués
après la défaite peu glorieuse du régime syrien et de ses alliés
à Palmyre en décembre 2016 , les ISIS Hunters (chasseurs
d'EI) ont pour vocation de tenir de manière fiable Palmyre et les
alentours, la ville ayant été reprise le 2 mars par le régime
syrien et ses alliés. Unité dite de « forces spéciales »,
ISIS Hunters a été formée par la Russie : de par sa
présence active sur les réseaux sociaux, en anglais, l'unité sert
en quelque chose de « vitrine » à la démarche
russe de reconstitution de troupes efficaces pour le régime syrien.
Peu nombreux, les ISIS Hunters sont pour autant très tributaires de
l'allié russe.
Historique
Les
ISIS Hunters font partie du 5ème corps de l'armée arabe
syrienne, constitué avec l'appui de la Russie, à
partir de novembre 2016. La Russie cherche en effet à s'appuyer
sur des forces syriennes solides pour renforcer les capacités
militaires du régime, déliquescentes avant son intervention :
d'où la formation du 5ème corps (à vocation « commando »,
« antiterroriste »), après celle du 4ème. Mais
alors que ce dernier visait à remettre sous la tutelle du régime
des milices déjà existantes, le
5ème corps sera constitué uniquement de volontaires. La
Russie cherche aussi à bâtir des forces qui peuvent servir de
contrepoids à l'Iran, dont les objectifs diffèrent, en Syrie,
de ceux de Moscou. De fait, le
5ème corps connaît, malgré les salaires alléchants qui sont
proposés, des problèmes de recrutement : les vides sont en
partie comblés par les brigades du parti Baath. Le
5ème corps a reçu de la Russie des chars T-62M et des véhicules
blindés BMP-1, en plus d'autres véhicules logistiques. Cette unité
a manifestement été encadrée par les forces spéciales russes (ce
qui est confirmé par une source pro-russe) ; elle aurait
été entraînée à Lattaquié avant d'être déployée sur le front
de Palmyre. Les
ISIS
Hunters
auraient été conçus pour garder les installations stratégiques
dans et autour de Palmyre : l'aéroport militaire, les
cantonnements, les champs gaziers et pétroliers. La Russie cherche
manifestement à former des troupes solides pour le régime syrien
capables de tenir le terrain conquis. Bien que les ISIS Hunters
soient formés avec du personnel syrien, l'encadrement russe est
évident. Ivan
Slyshkin, 23 ans, qui a servi deux ans en Tchétchénie, intègre
la compagnie de sécurité privée « Wagner »
russe, qui opère à partir de la base de Molkino, à Krasnodar, où
se trouve la 10ème brigade indépendante du GRU, et envoie des
hommes en Syrie depuis l'intervention russe en 2015. Slyshkin est tué
le 12 février 2017 par un sniper lors d'une opération près
du champ gazier d'al-Shaer. Il participait à la formation des ISIS
Hunters. Il
est probable que d'autres Russes de la compagnie Wagner
participent à l'encadrement de l'unité.
La
page Facebook du groupe est créée le 27 février 2017. Le
compte Twitter du groupe est apparaît le lendemain, le 28 février
2017, quelques jours avant la reprise de Palmyre par le régime
syrien. Une première et courte vidéo, en forme de bande-annonce,
montre une dizaine de combattants, avec AK, casques et gilets
pare-balles, évoluer dans le désert, autour de Palmyre. Une photo
du 28 février montre 9 fantassins, avec casque, le même uniforme et
AK, en colonne dans le désert. Dans une autre vidéo du même jour,
une GoPro montée sur un fantassin filme une progression sur
une colline autour de Palmyre ; le porteur de la GoPro
montre une position avec mitrailleuse PK abandonnée.
Dans
une vidéo du 1er mars, ISIS Hunters filme une dizaine de
corps de combattants de l'EI, et des positions souterraines dans
lesquelles ceux-ci s'abritaient. Une autre vidéo montrant la
destruction supposée d'un char de l'EI à courte portée ressemble
fort une mise en scène. Le groupe annonce combattre vers l'aéroport
militaire de Palmyre, puis dans la citadelle. Des
sources russes indiquent effectivement que les ISIS Hunters
auraient joué un rôle important dans l'assaut sur l'aéroport, sans
doute aidés par les forces spéciales russes. Dans une vidéo du 2
mars, un des hommes du groupe parle en arabe à l'intérieur de
celle-ci. Un cliché du 4 mars montre le drapeau du groupe derrière
lequel on aperçoit un canon D-30. Une vidéo du 4 mars, accompagné
d'un commentaire provocant à l'égard de l'EI, filmée avec un
smartphone, montre des installations souterraines de l'EI et
plusieurs corps. Le 5 mars, une photo s'accompagne d'une légende
indiquant que les ISIS Hunters vont tenir garnison dans
Palmyre, et que la ville ne sera jamais reprise par l'EI. Une photo
du 6 mars montre les ISIS Hunters dans les catacombes de la
citadelle de Palmyre. Le 12 mars, le groupe annonce se tenir prêt
pour la bataille de Raqqa. Un portrait de groupe du 15 mars montre 13
combattants des ISIS Hunters. Une publication du 16 mars
promet aux combattants de l'EIO d'être « écorchés vifs »
(!). Le 19 mars, une vidéo mise en scène dans l'amphithéâtre
de Palmyre voit un combattant syrien, parlant en arabe mais
sous-titré en anglais, inviter à rejoindre les rangs de ISIS
Hunters. Le 23 mars, l'EI lance 120 hommes dans une attaque au
nord de Palmyre : ISIS Hunters prétend avoir contribué
à repousser l'attaque, tuant 24 adversaires et en blessant 12. Un
drone détruit un technical de l'EI (Land Cruiser avec bitube
ZU-23) comme le montre une vidéo.
Propagande,
idéologie
L'emblème
du groupe est à la fois simple et évocateur : au centre, une
tête de mort dans une cible (on se rappelle que la tête de mort est
l'emblème de la Garde Républicaine syrienne...), deux impacts de
balles de part et d'autre, et le nom ISIS Hunters en anglais
et en arabe. Le rouge et le noir renvoient à deux couleurs utilisées
sur le drapeau du régime syrien.
En
dehors de sa qualification d'unité de « forces spéciales »,
ISIS Hunters ne fait pas trop la propagande du régime syrien,
même si l'association est évidente, notamment dans les vidéos. Il
faut remarquer que le compte Twitter et la page Facebook,
créés quasiment en même temps, proposent des vidéos où les
discours en arabe sont systématiquement sous-titrés en anglais (ce
qui n'est pas forcément le cas des bandeaux en arabe). Il faut sans
doute y voir la main de la Russie, soucieuse d'assurer à cette
petite unité de forces spéciales, servant de « vitrine »,
une certaine visibilité.
Armement,
matériels, tactiques
ISIS
Hunters, en tant qu'unité de forces spéciales, ne doit pas
compter un effectif important : tout au plus les vidéos
montrent-elles une dizaine d'hommes ensemble. Une vidéo de Ruptly
le 3 mars montre une vingtaine de combattants. Le recrutement est
syrien mais l'encadrement russe ne fait guère de doute.
La
prise en main par la Russie se voit aussi dans l'équipement :
uniforme standardisé, casques, gilets pare-balles. Quant à
l'armement, il se compose d'après les images d'AK-47/AKM, sans que
des armes collectives soient visibles, sauf dans la vidéo du 3 mars,
où l'on voit un tireur RPG-7 avec 2 pourvoyeurs et une mitrailleuse.
Un drone armé est utilisé le 23 mars contre un technical de
l'EI. Un canon D-30 est visible derrière le drapeau de l'unité sur
un cliché.
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