" Historicoblog (4): Christopher PHILLIPS, Damned Yankee. The Life of General Nathaniel Lyon, Louisiana State University Press, 1996, 288 p.

mardi 22 août 2023

Christopher PHILLIPS, Damned Yankee. The Life of General Nathaniel Lyon, Louisiana State University Press, 1996, 288 p.

 

Nathaniel Lyon, un général de l'Union, est né en 1818 dans la campagne du Connecticut. Elevé par son père, un fermier entreprenant, de manière quasi militaire, il entre logiquement à l'académie militaire de West Point grâce à des appuis locaux dans son Etat : il en sort 11ème sur 52 de sa promotion en 1851. Lyon choisit l'infanterie -alors qu'il aurait pu prétendre au génie, mieux considéré - et sert dans le 2nd US Infantry Regiment, en Floride (il arrive trop tard pour vraiment prendre part à la deuxième guerre contre les Séminoles), en Californie, au Kansas et durant la guerre du Mexique.

Pendant sa carrière d'officier, Lyon manifeste un tempérament violent, ce qui lui vaut des ennuis avec une hiérarchie qu'il respecte souvent peu : cela bloque son avancement. En 1842, alors que son régiment stationne à Sackets Harbor à New York, il passe en cour martiale pour avoir trop sévèrement puni un soldat du rang. A la fin de 1848, alors qu'il a servi avec distinction pendant la guerre du Mexique (il a été blessé par une balle de fusil), passant au rang de capitaine, Lyon est envoyé en Californie pour maintenir l'ordre au moment de la ruée vers l'or dans cet Etat. En mai 1850, deux colons blancs et un ingénieur topographique de l'armée sont tués par des Indiens. On ordonne à Lyon de châtier les coupables. Lors de deux engagements différents, près de Clear Lake, ses troupes détruisent intégralement deux tribus indiennes et massacrent, avec une grande férocité, probablement 400 personnes, femmes et enfants compris. Lyon, qui a des talents de bâtisseur certains, construit une bonne partie de la future ville de San Diego, se bâtit une maison qu'il louera à son départ à d'autres officiers. Il investit dans la terre et à sa mort, il possède un millier d'acres dans 6 Etats et au Mexique. Il a une opinion très tranchée sur ce dernier pays, où il a combattu : il le considère comme "arriéré" en raison de la place de la religion catholique et de l'esclavage -ce qui ne sera pas sans conséquence sur son positionnement pendant la guerre de Sécession. Sur le plan religieux d'ailleurs, Lyon, élevé dans un milieu protestant, s'en détache pour suivre ce courant pour le moins intriguant qu'est le mesmérisme.

En 1854, on l'envoie au Kansas qui vient juste d'acquérir le rang d'Etat au sein du pays. Lyon y arrive alors que les pro et les antiesclavagistes se déchirent. Lyon, unioniste patenté, rejette les politiciens pro-esclavage qui se servent d'après lui du jeu démocratique pour imposer leur point de vue. Il ne cache pas ses sympathies et en vient presque aux mains avec d'autres officiers qui n'ont pas le même point de vue. Il viole aussi le règlement pour aider les partisans de l'Union, y compris pour faire acheminer des esclaves en fuite jusqu'au Canada. Acquis en 1860 au nouveau parti républicain, Lyon ne rejoint cependant jamais sa frange radicale abolitionniste. Il soutient Lincoln et condamne le parti démocrate, qui avait eu auparavant ses faveurs, en raison de son soutien à l'esclavage.

Fin janvier 1861, Lyon est transféré avec deux compagnies d'infanterie à Saint-Louis, pour protéger le dépôt fédérale. Un petit groupe d'activistes sécessionnistes est en effet à la manoeuvre pour tenter de mettre la main sur le dépôt, avec l'aide du gouverneur, Jackson, qui est un partisan souterrain de la sécession. Lyon s'associe avec l'élu républicain Frank Blair, proche des radicaux unionistes à Saint-Louis et de l'administration Lincoln. Blair persuade à deux reprises Lincoln de débarquer le supérieur Lyon, Harney, dont il craint -à tort- les sympathies sudistes. Lyon arme les émigrés allemands pro-unionistes, très présents à Saint-Louis, et le 10 mai 1861, il parvient à s'emparer sans combat du camp de 900 hommes que les pro-sécessionnistes ont installé près de l'arsenal et qu'ils ont baptisé "camp Jackson". Lyon, déguisé en vieille femme, en avait inspecté l'organisation avant de frapper.

Lyon fait défiler ses centaines de prisonniers dans Saint-Louis, sachant pourtant très bien que les partisans de la Sécession attendent ses hommes sur le trajet. Quand ceux-ci sont bombardés de projectiles puis assaillis par des coups de feu, ils ripostent et tuent 28 civils. L'incident a pour effet de précipiter des habitants du Missouri vers la cause confédérée. Lyon rencontre le gouverneur Jackson et le chef de sa milice, Sterling Price, le 11 juin suivant pour une dernière tentative de médiation, mais rejette toute négociation : nommé général de brigade des volontaires du Missouri -un poste décliné par William Sherman-, il entend bien faire respecter l'Union par la force.

Par une campagne éclair en réquisitionnant 4 bateaux à vapeur sur le Missouri, Lyon parvient à s'emparer de la capitale de l'Etat, Jefferson City, puis disperse la milice rassemblée par Jackson à Boonville. L'Union contrôle désormais tout le cours du Missouri depuis Kansas City, empêchant les confédérés de s'y installer. Le gouverneur fuit vers le sud-ouest de l'Etat, espérant rallier l'armée confédérée venue d'Arkansas. Lyon prévoit un mouvement en pinces : arrivant du nord, il envoie une autre partie de ses forces couper la retraite à Jackson par le sud-ouest. Mais cette branche, dirigée par le capitaine d'origine allemande Sigel, est repoussée lors de la bataille de Carthage. Ayant négligé la logistique, voyant ses troupes, démoralisées et mal ravitaillées, qui commencent à fondre (également par les prélèvements pour d'autres fronts) Lyon, qui n'a pas pu empêcher la jonction entre les forces de la milice dirigées par Sterling Price et l'armée confédérée venue d'Arksansas, commandée par McCulloch, choisit de les attaquer à Wilson's Creek, le 10 août, alors qu'il est en infériorité numérique, à 4 contre 1. La bataille est particulièrement meurtrière dans les deux camps (plus de 1 000 hommes hors de combat pour chaque armée) et Lyon, qui s'expose en première ligne, est tué au début de l'engagement. Les confédérés n'exploitent pas leur succès et se retirent en Arkansas. Surnommé "le sauveur du Missouri", en raison de sa campagne éclair qui a garanti que l'Etat resterait de manière certaine entre les mains de l'Union, Lyon, par son emploi de la force, a aussi précipité le déclenchement de la guerre civile dans le Missouri qui va notamment s'illustrer dans une féroce guérilla pro-nordiste et pro-confédérée, dans laquelle, pour cette dernière, apparaîtront Quantrill, Bloody Bill Anderson, et aussi un certain Jesse James. 

Christopher Phillips, professeur assistant à l'université d'Etat Emporia au Kansas, offrait ainsi en 1990 la première biographie moderne du personnage, qui n'attire pas particulièrement la sympathie au vu du portrait dépeint ici, mais qui en tant qu'homme d'action à l'état pur, a eu un rôle déterminant sur le début de la guerre dans le Missouri. On est peut-être un peu moins convaincu par l'idée selon laquelle Lyon serait le responsable du déchaînement de violence, dans la guérilla, qu'a connu ensuite le Missouri, la thèse n'étant pas très étayée dans la conclusion. Autre défaut : si le livre comprend deux livrets d'illustrations, les deux seules cartes sont au début du volume et restent insuffisantes pour suivre la vie de Lyon et les campagnes et batailles auxquelles il a participé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.