" Historicoblog (4): Jacques HEERS, Jacques Coeur, Tempus 478, Paris, Perrin, 2013, 345 p.

samedi 19 août 2023

Jacques HEERS, Jacques Coeur, Tempus 478, Paris, Perrin, 2013, 345 p.

 

Historien disparu en 2013, Jacques Heers était un médiéviste, ayant côtoyé Fernand Braudel et Georges Duby dans ses jeunes années. Spécialiste des villes, en particulier de l'Italie du Nord (il avait fait sa thèse sur Gênes), et du commerce en Méditerranée, il s'est aussi essayé au genre biographique ainsi que le prouve ce Jacques Coeur, initialement paru en 1997 et réédité en 2013. Oeuvre originale puisque le sujet n'avait pas été traité en français jusque là par un ouvrage de cette ampleur. A la fin de sa vie, Jacques Coeur ne cachait pas une orientation politique très à droite (intervenant sur Radio-Courtoisie, souvent présent dans le Figaro, etc).

Le propos de Jacques Coeur est de questionner l'image de "grand entrepreneur", "d'hommes d'affaires", qui colle au personnage depuis des siècles. Et l'historien de rappeler que Jacques Coeur doit surtout sa réussite aux fonctions liées à la monarchie. Ses avantages sont liés à ses fonctions d'officier royal et à certains monopoles qui en découlent. Jacques Coeur serait ainsi l'illustration d'une politique cherchant à contrôler, pour l'Etat, la plus grande partie de l'économie. Le tout dans le contexte de la guerre de Cent Ans finissante, qui offre un tremplin pour cette carrière, mais où la chute n'est pas très loin. Jacques Coeur perpétuerait ainsi la tradition des hommes-liges du roi issus du monde des juristes, des marchands, des financiers, depuis Philippe le Bel. Sa chute montre qu'en sa plaçant au sommet, il s'est introduit dans le jeu des factions de la cour, qui a fini par se retourner contre lui. Jacques Heers rappelle toutefois que les sources sont maigres : hormis les chroniqueurs du temps, il n'y a que les actes du procès fait à l'argentier, et le Journal du procureur Jean Dauvet, chargé de confisquer ses biens.

Pour Jacques Heers, Jacques Coeur n'avait rien d'un "homme moderne" pour son temps : au contraire, il reste fermement ancré dans le Moyen Age. Il n'est que l'illustration de la réussite d'un commis royal, parmi d'autres, et ce depuis longtemps. Jacques Coeur a surtout été l'agent du roi pour financer les campagnes de Jeanne d'Arc, pour obtenir de l'argent en Languedoc, et pour payer la campagne de Normandie en 1450-1451. Il n'était pas un homme de l'ombre : au contraire, il agissait sur le devant de la scène. C'est un homme du Centre et des pays de Loire, cette terre fidèle au futur Charles VII pas assuré de s'asseoir un jour sur son trône quand Jacques Coeur commence à obtenir des fonctions de lui. Il souhaitait très certainement jeter les jalons d'une économie d'Etat, comme avec ses quelques galées en Méditerranée ou son achat de mines d'argent. Il aurait souhaité des enquêtes administratives et fiscales, un contrôle de la production. Un ancêtre en quelque sorte de nos modernes technocrates.

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